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DVDEF

Death in Venice

Critique
Synopsis/présentation
Luchino Visconti a réussi avec Mort à Venise l'incroyable gageure d'adapter de façon fidèle le roman éponyme de Thomas Mann, fidèlement en ce sens qu'il suit les péripéties du roman à la lettre, mais paradoxalement en réussissant à traduire en images les sensations exprimées par les mots de Mann.
Mort à Venise est l'histoire toute simple d'un grand compositeur de musique, Gustav von Aschenbach (Dirk Bogarde), alors que fatigué et dans une impasse créative il se rend à Venise pour tenter de se remettre sur pied aussi bien physiquement que psychologiquement, voire même au niveau de sa créativité. Mais une fois sur place, à force de ressassements, il finira par douter de la vie qu'il a mené, de la forme qu'il a donné à son oeuvre et même de sa propre conception du travail d'artiste. Pour achever de le troubler jusqu'au plus profond de son âme, il va tomber éperduement amoureux d'un jeune éphèbe tout juste pubère, Tadzio (Bjorn Andrezen), qui va s'en apercevoir et jouer avec cette attirance irrésistible de ce vieux monsieur dont il ne sait rien.
Von Ashenbach, qui avait toujours mené une vie placée sous le singe du contrôle de ses émotions et de la maîtrise de son comportement, va alors laisser libre court à sa sensualité enfin retrouvée, fusse-t-elle contre nature et condamnable.

Visconti était un aristocrate et un artiste au même titre que Mann, et à ce titre et malgré leurs styles opposés (opératisme contre intériorisation), il comprenait parfaitement les tourments décrits dans le roman de celui-ci. Les deux artistes s'intéressaient aux mêmes sujets, dont la décadence des classes supérieures et la deliquescence d'une société archaïque promise à des changements radicaux. Il décida de rester très simple dans son adaptation, tout en ajoutant à ce récit linéaire des flash-backs primordiaux tirés d'un autre roman de Mann, Le Docteur Faustus.

Au cours des ces plages de souvenir, Aschenbach va se remémorer ses conversations passionnées avec son ami Alfred (Mark Burns) sur la nature même de la création, et divers passages de sa vie où il fixa ses opinions sur les questions fondamentales que se pose tout être humain.
Cela permet à Visconti d'enrichir la nouvelle de Mann en se servant d'un autre segment de l'oeuvre du même auteur, remplaçant par la même les immanquables différences qu'il y a entre son film et le roman, du fait même de leur moyen d'expression (littérature contre cinéma). Etre capable de transformer ainsi une "faiblesse" en une force ne peut qu'inspirer le respect et l'admiration. Non seulement ces flash-backs ajoutent du sens et de la profondeur à une oeuvre qui en contenait déja beaucoup, mais de surcroit ils permettent à Visconti d'aérer son film qui sans cela se serait avéré trop linéaire.
De plus, Visconti en tant que metteur en scène d'opéra, avait une compréhension et une appréhension de la musique bien au-dela de celle de la majorité des cinéastes. Grâce à cette capacité, il réussit à faire croire à ses spectateurs que la musique de Mahler à été composée pour le film.`

A ce titre, la première séquence du film est exemplaire. Elle va donner d'emblée le thème, le ton et la nature mêmes du film qui va suivre. Elle permet à tous les spectateurs d'entrer dans ce film différent, en les prenant aux tripes dès son début mais en usant de moyens inhabituels au cinéma du fait de la difficulté à les gérer. Ainsi au cours de cette scène muette, il va introduire son héros, montrer son désarroi et la beauté de Venise, tout en faisant ressentir au spectateur l'impression de toucher du doigt l'idée même de poésie alors que paradoxalement il utilise le language du réel et du tangible. C'est grâce à l'association parfaite entre la splendeur et l'expressivité de la musique de Mahler, la beauté des images, leur rythme et le jeu naturel de Bogarde que ce petit miracle va s'accomplir.
Le reste du film est à l'image de cette scène : une splendeur de tous les instants, doublée d'une réflexion intelligente sur diverses questions fondamentales à l'être humain, rehaussée par une utlisation sensible et singificative de la musique. Les critiques de l'époque reprochèrent à Visconti un certain académisme alors même que celui-ci au contraire innove, créant une nouvelle sorte de langage cinématographique qui s'adresse à l'âme autant qu'à l'intellect, au conscient qu'au subconscient et en cela, Mort à Venise est l'un des films les plus troublants et marquants qu'il soit et ce malgré un traitement qui ne laissait pas présager une telle réussite.

L'homosexualité naissante du héros n'est qu'un de ses multiples tourments mais elle fut pourtant reprochée au film alors que celui-ci ne traite que d'amour, et que de façon évidente le jeune Tadzio se joue de la passion destructrice d'Aschenbach. Ce même Aschenbach qui a été toute sa vie à la recherche de la beauté et de la perfection au travers d'une attitude rigoureuse et contrôlée (sujet de poémique entre lui et son ami Frank), la découvre en la personne de Tadzio. Il va donc revenir immédiatement vers une façon de vivre plus charnelle et impétueuse, qui va se heurter de façon logique avec le système rigide qu'il avait mis en place auparavant.
Il est alors de suite évident qu'il n'y a rien de tendancieux dans le regard que Visconti porte sur cette "relation", alors que certains distributeurs auraient voulu remplacer le jeune homme par une jeune fille afin de moins choquer leur public potentiel.
La magnificence de ce portrait d'un artiste en proie au doute est en partie due au superbe travail de Pasqualino de Santis à la photographie, celui de Piero Tosi à la conception des magnifiques costumes dans le plus pur style 1910, et enfin de Ferdinando Scarfiotti qui supervisa la direction artistique.

La réunion de tant de talents, supervisés par un véritable maître du cinéma, a pour résultat une oeuvre unique et inoubliable qui ne se révèlera peut-être pas entièrement dès le premier visionnage mais vous accompagnera à coup sur durant votre vie, se rappelant à vous lorsque les circonstances évoqueront les questions universelles que pose Mort à Venise.


Image
L'image est présentée au format respecté de 2.35:1 d'après un transfert 16:9.
La définition générale est d'excellente (et surprenante) qualité malgré quelques fluctuations, occasionnant des flous sporadiques et peu gênants. L'interpositif est propre mais n'a malheureusement pas été néttoyé avec le soin nécessaire pour une telle oeuvre, laissant ainsi passer regulièrements des points blancs et de façon occasionnelle des traits blancs verticaux.
Le rendu des couleurs magnifiques de la photographie de Pasqualino de Santis est impeccable dans son ensemble, même si à nouveau sa relative inconstance fait que certains passages offrent des couleurs plus éteintes.
Le contraste est bien géré même s'il aurait pu être plus poussé. Il évite néanmoins toute forme de brillances.
Les scènes sombres sont parfaitement reproduites et ce grâce à des noirs vraiment purs et profonds, sauf en quelques instants où leur qualité est moindre.

La partie numérique est fort heureusement exempte de tous reproches, ne générant aucun défaut artificiel digne d'être relevé dans cette critique. Un transfert au rendu de haut niveau, qui rend bien justice au talent de Visconti et de son chef opérateur, malgré de curieuses fluctuatutions. Cependant il est fort dommage qu'au même titre que le son, la Warner n'ait jugé bon de procéder à une restauration complète de façon à pouvoir proposer la version immaculée dont on les sait capables et que méritait bien cette oeuvre magnifique.


Son
La seule bande-son disponible sur cette édition est en Anglais (Dolby Digital 1.0 mono).

Sa dynamique est limitée, pas plus que celle d'un film à la bande-son monophonique de cette époque, mais étant donné l'importance primordiale de la musique dans ce film cela est fort dommage. Les mêmes remarques sont à appliquer à sa présence et à sa spatialité.
Le rendu musical est de façon logique très en dessous de ce que l'on est en droit d'attendre sur une telle oeuvre, d'autant que son enregistrement initial s'est fait sur quatre pistes et aurait du logiquement donner lieu à un remixage multicanal de qualité. Heureusement la musique est bien intégrée au reste de la bande-son.
Les dialogues sont parfois moins intelligibles du fait d'une dynamique fluctuante mais sans pour autant en gêner réellement la compréhension. Des parasites et distortions font leur apparition à partir d'un certain volume sonore et ce autant sur la musique que les dialogues.
Les basses fréquences sont évidemment anecdotiques et n'apportent donc pas le vrai surplus d'assise dont aurait eu besoin la musique afin de s'exprimer plus librement.

Les sous-titres sont disponibles en Anglais, Français et Espagnol.

Une bande-son décevante même si en l'état on peut dire qu'elle se situe dans la moyenne des autres bandes-son monophoniques de 1970. Elle est décevante par rapport à l'importance du film et surtout par rapport à son format d'enregistrement initial, qui facilite un remixage qui lui aurait permis d'être enfin à la hauteur des symphonies de Mahler et de la qualité d'image.


Suppléments/menus
Une section qui a le mérite d'exister mais qui s'avère très loin d'être à la hauteur du film.
Est donc proposé un court documentaire d'époque intitulé "Visconti's Venice" (8 min 59 s), qui malgré son aspect très daté et ouvertement promtionnel, recèle d'informations intéressantes mais mal agencées.
Vient ensuite une galerie de 30 photos de qualité correcte mais d'un intérêt limité, intitulé "A Tour of Venice".
Pour finir est disponible une bande annonce qui capte bien l'ambiance si particulière du film mais insiste beaucoup trop sur le statut de Visconti et les bonnes critiques que le film reçut à sa sortie.
Les menus sont malheureusement extrêmement basiques et pour tout dire assez hideux, ce qui est fort injuste pour une oeuvre d'une telle beauté.
Il est donc dommage de voir que la Warner n'a pas jugé bon de faire un effort particulier pour un film aussi important, et qui recèle une part de mystère intense qu'il aurait été très agréable de voir commenter par un spécialiste de Visconti ou de Mann.



Conclusion
Une édition aux résultats vidéos de bonne qualité même si la Warner aurait pu faire un peu plus d'efforts. La bande-son et les suppléments ne sont pas à la hauteur de la vidéo mais s'avèrent néanmoins passables, ce qui fait qu'au vu du chef d'oeuvre qu'est le film, nous vous conseillons cet achat que nous considérons comme indispensable.

Mort à Venise est une oeuvre à part, l'adaptation d'un roman d'un des grands écrivains du siècle dernier par l'un des plus grands cinéastes tout court.
A ce titre, il s'agit d'un film absolument grandiose qui permet d'accéder à un niveau de sensations rarement exprimées au cinéma, et qui demande certes une volonté d'adaptation de la part des spectateurs mais cette démarche leur sera rendue au centuple une fois le visionnage terminé.


Qualité vidéo:
3,8/5

Qualité audio:
3,0/5

Suppléments:
2,8/5

Rapport qualité/prix:
3,7/5

Note finale:
3,5/5
Auteur: Stefan Rousseau

Date de publication: 2004-05-03

Système utilisé pour cette critique: Projecteur Sharp XV Z9000, Lecteur de DVD Toshiba SD500, Recepteur Denon, Enceintes Triangle, Câbles Banbridge et Real Cable.

Le film

Titre original:
Death in venice

Année de sortie:
1971

Pays:

Genre:

Durée:
131 minutes

Réalisateur (s):

Acteur (s):

Le DVD / Blu-ray

Pochette/couverture:

Distributeur:
Warner Bros.

Produit:
DVD

Nombre de disque:
1

Format d'image:
2.35:1

Transfert 16:9:
Oui

Certification THX:
Non

Bande(s)-son:
Anglaise Dolby mono

Sous-titres:
Anglais
Français
Espagnol

Suppéments:
documentaire, galerie de photos, bande-annonce

Date de parution:
2004-02-17

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