Blackmail is my Life

Critique
Synopsis/présentation
Kinji Fukasaku est un cinéaste japonais qui n'est devenu célèbre en Occident que récemment grâce au phénoménal succès que connut sa dernière oeuvre (pourtant très radicale) partout à travers le monde, Battle Royale (2000). Auparavant, il était surtout apprécié des connaisseurs pour sa remarquable série de films de Yakuza, alors même qu'il a réalisé plus de 60 films en 42 ans de carrière.
Guerre des Gangs à Okinawa (1971), Okita le Pourfendeur (1972), Combat sans Code d'Honneur (1973) et Le Cimetierre de la Morale (1975) sont les quatre Yakuza-Eiga les plus célèbres de Fukasaku qui à travers eux a développé un style radical et novateur en parfaite adéquation avec le monde qu'il décrit dans ses films. Il est le cinéaste nihiliste par définition et il sut utiliser un genre très codé pour exprimer ses vues sur les dérives et la violence de son pays en le pervertissant de l'intérieur.
Il réussit ainsi la gageure de proposer des oeuvres de divertissement qui sont à la fois ultra violentes, très romantiques (le côté désenchanté des gansters) et qui se doublent d'un commentaire social acerbe mais juste et d'une dénonciation en règle de la corruption qui était érigée en système au Japon.
Blackmail is my Life (1968) est en quelque sorte le galop d'essai de Fukasaku qui est encore un jeune réalisateur audacieux mais relativement conventionnel dans ses scénarios.
Celui de ce film a d'ailleurs été écrit en deux jours par Fukasaku et un ami, enfermés dans une chambre d'hôtel. Il porte pourtant les germes de la contestation, de la violence et du nihilisme qui éclateront quelques années plus tard.
On suit donc Muraki (Hiroki Matsukata), un jeune chef de bande, qui décide de gagner sa vie en se livrant à des chantages permanents envers d'autres gangs ou des personnes bien établies. Son groupe est composé de deux autres garçons et une fille, qui vont passer de l'insouciance et l'euphorie des débuts à une prise de conscience du fait que leur société est gangrénée par la corruption et ce à tous ses étages. Le jeune Muraki deviendra plus gourmand et va s'attaquer à plus fort que lui sans vergogne, avec bien logiquement des conséquences dramatiques à la clef.
Fukasaku avait déjà l'intention de dénoncer le système dans lequel il vit avec ce film, mais ce thème reste en retrait ou du moins n'est pas la composante essentielle du film comme ce sera le cas dans ses oeuvres futures. Il cultive l'originalité en intégrant une femme dans ce groupe de gangsters plutôt sympathiques. D'ailleurs, cela fixe les limites du film en ce sens où malgré leurs exactions illégales, le groupe nous est toujours présenté sous un bon jour, comme attirés malgré eux vers la délinquance.
L'influence d'un film comme Bonnie and Clyde d'Arthur Penn (1967) est vraiment prépondérante en ce qui concerne le côté glamour des gangsters, le côté amusant de leurs exactions et le tragique de leur mort.
Le principal intérêt du film se situe donc au niveau de sa mise en scène qui est d'une audace incroyable pour l'époque, mélangeant allègrement les accélérés, les ralentis, les arrêts sur image, les passages de la couleur au noir et blanc et vice-versa, les incrustations, les angles de caméra tordus.
La force de Fukasaku est d'avoir rendu cette mise en scène quasi expérimentale (inspirée de la Nouvelle Vague française) aisément lisible et surtout jamais lassante. C'est grâce à une excellente bande-son pop/psychédélique de Hajime Kaburagi et de son montage savant en corrélation avec les images qu'il réussit à alléger son dispositif complexe de mise en scène et à lui conférer une légèreté et une rapidité réellement surprenantes.
Le film est donc une succession ininterrompue de scènes surprenantes au côté Pop très prononcé, qui réussit de plus l'exploit de ne pas décrédibiliser les héros tout en restituant leur aspect de jeunes rebelles insouciants.
Une oeuvre qui permet de rentrer en douceur dans le monde facinant du cinéma de Kinji Fukasaku, qui demande habituellement beaucoup d'abnégation de la part des spectateurs occidentaux peu habitués à autant de vitesse, d'énergie, de sueur, de cris. Il est donc conseillé de se préparer avant le visionnage de l'oeuvre qui ne manquera pas de vous surprendre vu la réputation de lenteur et de calme du cinema nippon et surtout (du moins nous l'espérons), vous donnera envie de vous pencher sur la carrière de ce grand réalisateur qu'est Kinji Fukasaku et de façon plus générale vers le cinéma japonais qui est aussi surprenant que peut l'être son peuple.
Image
L'image est présentée au format respecté de 2.35:1 d'après un transfert 16:9.
La définition est de bon niveau permettant un rendu très cinéma. L'interpositif présente par moments énormément de grain mais hormis cela il s'avère très propre. La finesse des détails est par contre plus limitée, offrant par moments des arrières plans peu lisibles.
Les couleurs sont bien reproduites, justes, constantes et bien saturées. La photographie pop est du coup très bien restituée et cela donne une ambiance particulière au film.
Le contraste est correctement géré, évitant les brillances.
Les parties sombres du film sont difficilement rendues du fait du grain susmentionné malgré des noirs suffisamment profonds.
La partie numérique est de bon aloi, ne générant heureusement aucuns fourmillements qui ajoutés au grain présent aurait rendu l'image pénible à regarder. Aucun autre defaut numérique n'est à relever.
Un transfert de qualité qui malgré un grain souvent trop prononcé sur les scènes nocturnes notamment, nous offre la possiblité de découvrir ce film rare dans d'excellentes conditions au regard de son âge et de cette même rareté.
Son
La seule bande-son présente sur cette édition est en Japonais (Dolby Digital 1.0 mono).
Sa dynamique est acceptable mais cependant relativement limitée du fait de son âge et de son format. Sa spatialité et sa présence subissent les mêmes remarques.
La réjouissante musique Pop est bien rendue et s'intègre parfaitement au reste de la bande-son.
Les dialogues sont en permanence parfaitement intelligibles et ne montrent que des traces réduites de parasites et distortions à fort volume.
Les basses fréquences sont bien entendu anecdotiques mais néanmoins présentes lorsque nécessaire.
Les sous-titres sont disponibles uniquement en Anglais. Il sont blanc et positionnés juste au-dessus des bandes noires.
Une bande-son tout ce qu'il y a de plus correcte, ce qui est une performance au vu de la rareté de l'âge du film.
Suppléments/menus
Une section courte mais résolument passionnante surtout qu'habituelllement sur ce genre d'oeuvres les suppléments directement reliés au film (hors documentaire sur la réalisation) sont très rares.
L'interview de Kinji Fukasaku (18 mins.) a été réalisée quelques mois avant son décès et en conséquence, il se répète parfois dans ses propos mais nous offre beaucoup d'informations très intéressantes sur sa jeunesse, les raisons qui l'ont poussé à devenir cinéaste et à adopter son style si particulier de réalisation ainsi que quelques anecdotes sur le film lui-même.
Le livret est bien écrit et propose des informations intéressantes sur le cinéaste et le film, mais qui sont à lire après le visionnage du fait de leur caractère révélateur de l'oeuvre.
La jacquette, le livret et la présentation générale des menus animés sont superbes, dans un style très pop, à l'image du film.
Conclusion
Une bien belle édition DVD à la partie audio et vidéo réussies pour une oeuvre aussi rare. L'iconographie est soignée et des bonus intéressants sont présents, ce qui fait que nous recommandons vivement l'achat de cette édition.
Un film de jeunesse du grand Kinji Fukasaku qui est une excellente introduction en douceur à l'univers et la thématique si caractéristique du cinéaste.
Un film pop, coloré, qui possède à la fois la légèreté qui caractérise la fin des années 60 dans le monde entier mais également en philigrane les inquiétudes du peuple japonais et le dégoût de son auteur pour la corruption généralisée alors en vogue dans son pays.
Sa mise en scène est formidable de rythme et d'audace, s'inspirant des expérimentations de la nouvelle vague à l'instar de son compatriote et contemporain Seijun Suzuki.
Une curiosité à découvrir impérativement pour les amateurs du cinéaste et un film idéal pour découvrir le cinéma japonais des années 60, qui ne cesse d'étonner tout l'Occident depuis qu'il est diffusé en masse grâce au DVD.
Kinji Fukasaku est un cinéaste japonais qui n'est devenu célèbre en Occident que récemment grâce au phénoménal succès que connut sa dernière oeuvre (pourtant très radicale) partout à travers le monde, Battle Royale (2000). Auparavant, il était surtout apprécié des connaisseurs pour sa remarquable série de films de Yakuza, alors même qu'il a réalisé plus de 60 films en 42 ans de carrière.
Guerre des Gangs à Okinawa (1971), Okita le Pourfendeur (1972), Combat sans Code d'Honneur (1973) et Le Cimetierre de la Morale (1975) sont les quatre Yakuza-Eiga les plus célèbres de Fukasaku qui à travers eux a développé un style radical et novateur en parfaite adéquation avec le monde qu'il décrit dans ses films. Il est le cinéaste nihiliste par définition et il sut utiliser un genre très codé pour exprimer ses vues sur les dérives et la violence de son pays en le pervertissant de l'intérieur.
Il réussit ainsi la gageure de proposer des oeuvres de divertissement qui sont à la fois ultra violentes, très romantiques (le côté désenchanté des gansters) et qui se doublent d'un commentaire social acerbe mais juste et d'une dénonciation en règle de la corruption qui était érigée en système au Japon.
Blackmail is my Life (1968) est en quelque sorte le galop d'essai de Fukasaku qui est encore un jeune réalisateur audacieux mais relativement conventionnel dans ses scénarios.
Celui de ce film a d'ailleurs été écrit en deux jours par Fukasaku et un ami, enfermés dans une chambre d'hôtel. Il porte pourtant les germes de la contestation, de la violence et du nihilisme qui éclateront quelques années plus tard.
On suit donc Muraki (Hiroki Matsukata), un jeune chef de bande, qui décide de gagner sa vie en se livrant à des chantages permanents envers d'autres gangs ou des personnes bien établies. Son groupe est composé de deux autres garçons et une fille, qui vont passer de l'insouciance et l'euphorie des débuts à une prise de conscience du fait que leur société est gangrénée par la corruption et ce à tous ses étages. Le jeune Muraki deviendra plus gourmand et va s'attaquer à plus fort que lui sans vergogne, avec bien logiquement des conséquences dramatiques à la clef.
Fukasaku avait déjà l'intention de dénoncer le système dans lequel il vit avec ce film, mais ce thème reste en retrait ou du moins n'est pas la composante essentielle du film comme ce sera le cas dans ses oeuvres futures. Il cultive l'originalité en intégrant une femme dans ce groupe de gangsters plutôt sympathiques. D'ailleurs, cela fixe les limites du film en ce sens où malgré leurs exactions illégales, le groupe nous est toujours présenté sous un bon jour, comme attirés malgré eux vers la délinquance.
L'influence d'un film comme Bonnie and Clyde d'Arthur Penn (1967) est vraiment prépondérante en ce qui concerne le côté glamour des gangsters, le côté amusant de leurs exactions et le tragique de leur mort.
Le principal intérêt du film se situe donc au niveau de sa mise en scène qui est d'une audace incroyable pour l'époque, mélangeant allègrement les accélérés, les ralentis, les arrêts sur image, les passages de la couleur au noir et blanc et vice-versa, les incrustations, les angles de caméra tordus.
La force de Fukasaku est d'avoir rendu cette mise en scène quasi expérimentale (inspirée de la Nouvelle Vague française) aisément lisible et surtout jamais lassante. C'est grâce à une excellente bande-son pop/psychédélique de Hajime Kaburagi et de son montage savant en corrélation avec les images qu'il réussit à alléger son dispositif complexe de mise en scène et à lui conférer une légèreté et une rapidité réellement surprenantes.
Le film est donc une succession ininterrompue de scènes surprenantes au côté Pop très prononcé, qui réussit de plus l'exploit de ne pas décrédibiliser les héros tout en restituant leur aspect de jeunes rebelles insouciants.
Une oeuvre qui permet de rentrer en douceur dans le monde facinant du cinéma de Kinji Fukasaku, qui demande habituellement beaucoup d'abnégation de la part des spectateurs occidentaux peu habitués à autant de vitesse, d'énergie, de sueur, de cris. Il est donc conseillé de se préparer avant le visionnage de l'oeuvre qui ne manquera pas de vous surprendre vu la réputation de lenteur et de calme du cinema nippon et surtout (du moins nous l'espérons), vous donnera envie de vous pencher sur la carrière de ce grand réalisateur qu'est Kinji Fukasaku et de façon plus générale vers le cinéma japonais qui est aussi surprenant que peut l'être son peuple.
Image
L'image est présentée au format respecté de 2.35:1 d'après un transfert 16:9.
La définition est de bon niveau permettant un rendu très cinéma. L'interpositif présente par moments énormément de grain mais hormis cela il s'avère très propre. La finesse des détails est par contre plus limitée, offrant par moments des arrières plans peu lisibles.
Les couleurs sont bien reproduites, justes, constantes et bien saturées. La photographie pop est du coup très bien restituée et cela donne une ambiance particulière au film.
Le contraste est correctement géré, évitant les brillances.
Les parties sombres du film sont difficilement rendues du fait du grain susmentionné malgré des noirs suffisamment profonds.
La partie numérique est de bon aloi, ne générant heureusement aucuns fourmillements qui ajoutés au grain présent aurait rendu l'image pénible à regarder. Aucun autre defaut numérique n'est à relever.
Un transfert de qualité qui malgré un grain souvent trop prononcé sur les scènes nocturnes notamment, nous offre la possiblité de découvrir ce film rare dans d'excellentes conditions au regard de son âge et de cette même rareté.
Son
La seule bande-son présente sur cette édition est en Japonais (Dolby Digital 1.0 mono).
Sa dynamique est acceptable mais cependant relativement limitée du fait de son âge et de son format. Sa spatialité et sa présence subissent les mêmes remarques.
La réjouissante musique Pop est bien rendue et s'intègre parfaitement au reste de la bande-son.
Les dialogues sont en permanence parfaitement intelligibles et ne montrent que des traces réduites de parasites et distortions à fort volume.
Les basses fréquences sont bien entendu anecdotiques mais néanmoins présentes lorsque nécessaire.
Les sous-titres sont disponibles uniquement en Anglais. Il sont blanc et positionnés juste au-dessus des bandes noires.
Une bande-son tout ce qu'il y a de plus correcte, ce qui est une performance au vu de la rareté de l'âge du film.
Suppléments/menus
Une section courte mais résolument passionnante surtout qu'habituelllement sur ce genre d'oeuvres les suppléments directement reliés au film (hors documentaire sur la réalisation) sont très rares.
L'interview de Kinji Fukasaku (18 mins.) a été réalisée quelques mois avant son décès et en conséquence, il se répète parfois dans ses propos mais nous offre beaucoup d'informations très intéressantes sur sa jeunesse, les raisons qui l'ont poussé à devenir cinéaste et à adopter son style si particulier de réalisation ainsi que quelques anecdotes sur le film lui-même.
Le livret est bien écrit et propose des informations intéressantes sur le cinéaste et le film, mais qui sont à lire après le visionnage du fait de leur caractère révélateur de l'oeuvre.
La jacquette, le livret et la présentation générale des menus animés sont superbes, dans un style très pop, à l'image du film.
Conclusion
Une bien belle édition DVD à la partie audio et vidéo réussies pour une oeuvre aussi rare. L'iconographie est soignée et des bonus intéressants sont présents, ce qui fait que nous recommandons vivement l'achat de cette édition.
Un film de jeunesse du grand Kinji Fukasaku qui est une excellente introduction en douceur à l'univers et la thématique si caractéristique du cinéaste.
Un film pop, coloré, qui possède à la fois la légèreté qui caractérise la fin des années 60 dans le monde entier mais également en philigrane les inquiétudes du peuple japonais et le dégoût de son auteur pour la corruption généralisée alors en vogue dans son pays.
Sa mise en scène est formidable de rythme et d'audace, s'inspirant des expérimentations de la nouvelle vague à l'instar de son compatriote et contemporain Seijun Suzuki.
Une curiosité à découvrir impérativement pour les amateurs du cinéaste et un film idéal pour découvrir le cinéma japonais des années 60, qui ne cesse d'étonner tout l'Occident depuis qu'il est diffusé en masse grâce au DVD.
Qualité vidéo:
3,0/5
Qualité audio:
3,1/5
Suppléments:
3,5/5
Rapport qualité/prix:
3,8/5
Note finale:
3,3/5
Auteur: Stefan Rousseau
Date de publication: 2004-01-19
Système utilisé pour cette critique: Projecteur Sharp XV Z9000, Lecteur de DVD Toshiba SD500, Recepteur Denon, Enceintes Triangle, Câbles Banbridge et Real Cable.
Date de publication: 2004-01-19
Système utilisé pour cette critique: Projecteur Sharp XV Z9000, Lecteur de DVD Toshiba SD500, Recepteur Denon, Enceintes Triangle, Câbles Banbridge et Real Cable.