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Le cinéma d’Afrique de l’ouest francophone

Dossier
Hormis l’Afrique du Sud, il n’existe pas de studios de cinéma en Afrique noire, pas plus que d’éditeur susceptible de diffuser les films locaux en DVD ou en Blu-ray. Cependant la production cinématographique en Afrique noire existe bel et bien et mérite qu’on lui consacre un dossier.

Embrasser toute la diversité du cinéma d’Afrique noire en quelques pages est un défi impossible à relever, c’est pourquoi cet article se limite à l’Afrique de l’Ouest francophone. Afrique francophone pour des raisons de commodité linguistique, mais également pour être en accord avec la thématique générale du site. Afrique de l’Ouest car du point de vue cinématographique c’est indéniablement la région la plus riche du « continent noir ».

Après avoir présenté les caractéristiques générales du cinéma d’Afrique de l’Ouest Francophone, nous nous attarderons sur la production des principaux pays : Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal.


Caractéristiques générales
Le cinéma d’Afrique de l’Ouest est tout d’abord un cinéma jeune : né avec les indépendances de 1960, il ne compte qu’à peine une cinquantaine d’années d’existence. D’autre part, et quel que soit le pays observé, on constate sur ces cinquante années une production relativement modeste, ce qui nous amène au second point.

Sans tomber dans le cliché ou la tautologie, il faut également rappeler que le cinéma africain est un ''cinéma pauvre''. Les pays concernés, très faiblement industrialisés, sont parmi les moins développés du monde, et les fonds disponibles pour le cinéma sont extrêmement limités. Ce manque de moyens financiers conditionne l’ensemble de la production locale et explique les autres caractéristiques que nous allons maintenant aborder.

Étant donné le manque de moyens au niveau local, le cinéma africain est largement soutenu par l’étranger. Il n’existe pas d’école de cinéma digne de ce nom en Afrique de l’Ouest, les principaux réalisateurs ont donc fait leurs classes en Europe : en France, bien sûr, comme Cheick Oumar Cissoko (institut Louis Lumière à Paris), mais aussi et surtout en Union soviétique, comme Souleymane Cissé, Abderrahmane Sissako, Idrissa Ouedraogo (VGIK de Moscou) ou Ousmane Sembène (studios Gorki). Le cas de Mustapha Alassane, formé dans son propre pays, le Niger, relève de l’exception. Il faut de surcroît préciser que les cours suivis par Alassane à l’IRSH de Niamey étaient dispensés par… un Français, Jean Rouch.

De même, l’absence de financement local explique que la quasi-totalité des films soient financés par des structures étrangères, le plus souvent françaises : Arte Cinema, A2 Films, Les films de l’Avenir ou encore le Centre National de la Cinématographie. Par ailleurs, le marché local très limité étant envahi par les productions américaines et indiennes, les films des réalisateurs africains ne connaissent le succès qu’à l’étranger.

Enfin, le cinéma d’Afrique occidentale est avant tout un cinéma d’auteur. Du manque de moyens financiers découlent les tournages en lumières et décors naturels, sans cascades ni effets spéciaux, avec des acteurs semi-professionnels. Par conséquent, les films africains n’ont aucune chance sur le terrain du divertissement, où ils font pâle figure par rapport aux grosses productions venues des États-Unis ou de Bollywood. Les réalisateurs doivent donc se concentrer sur une forme de cinéma plus dépouillé et plus intellectuel, où la réflexion et la contemplation prennent le pas sur l’action. Cette orientation « art et essai » permet en outre aux films africains de se distinguer dans les festivals européens et de se faire remarquer par les distributeurs étrangers, dont dépend l’essentiel de leur carrière commerciale.


Tour d’horizon par pays
• Burkina Faso : le « pays des hommes intègres » occupe une place centrale dans le cinéma d’Afrique de l’Ouest. Il accueille en effet le seul festival d’envergure de la région, le FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision), qui se déroule tous les deux ans depuis 1969 dans la capitale, Ouagadougou. Il est également la patrie du célèbre réalisateur Idrissa Ouedraogo, qui a connu le succès en France avec Yaaba (1989), Samba Traoré (1992) ou encore Kini & Adams (1997).

• Côte-d’Ivoire : le pays dispose de moyens financiers relativement importants par rapport à ses voisins, et la production locale est assez dynamique même si elle a du mal à s’exporter. Le climat de guerre civile qui empoisonne le pays depuis dix n’a évidemment pas aidé au développement du cinéma local. Parmi les principaux réalisateurs on peut évoquer Roger Gnoan Mbala, auteur de Au nom du Christ (1993) et Adanggaman (2001).

• Guinée : deux noms de réalisateurs se détachent, ceux de Cheik Doukouré et de Mama Keita. Tous les deux ont suivi une carrière d’acteur en France avant de passer à la réalisation dans leur pays natal. Doukouré a entre autres réalisé Le Ballon d’or (1993), avec l’actrice française Agnès Soral, d’après la vie du célèbre footballeur malien Salif Keita.

• Mali : Le Mali a donné naissance à quelques-uns des cinéastes les plus importants de la région, notamment à Souleymane Cissé, lauréat de l’Etalon de Yennenga au FESPACO 1978 pour Baara, puis du Prix spécial du Jury au Festival de Cannes 1987 pour Yeelen. Cheick Oumar Cissoko, qui fut Ministre de la Culture de son pays entre 2004 et 2007 s’est également distingué en remportant deux fois l’Étalon de Yennenga, en 1995 pour Guimba et en 1999 pour La Genèse.

• Mauritanie : On ne connaît guère qu’un réalisateur d’envergure, mais c’est un des plus talentueux du continent. Abderrahmane Sissako a débuté sa carrière en 1997 par un moyen-métrage sur la guerre civile en Angola, Rostov-Luanda. Il a ensuite connu un vif succès international avec Heremakono (Etalon de Yenenga 2003) , Bamako (Prix du Public au Festival Paris Cinéma en 2007) et plus récemment Timbuktu (2014).

• Niger : Le Niger a longtemps été un pays en pointe au sein de la région. A l’époque des indépendances, il fut le premier pays d’Afrique de l’Ouest à proposer une formation aux métiers du cinéma, dispensée par le Français Jean Rouch à l’Institut de Recherche en Sciences Humaines (IRSH) de Niamey. De cet institut sont issus des cinéastes de renommée internationale comme Mustapha Alassane, spécialiste du film d’animation, et Oumarou Ganda, Grand Prix Fespaco en 1972 pour Wazzou. Hélas, le départ de Jean Rouch, l’aggravation de la situation économique du pays dans les années 80, l’absence de relève du côté des réalisateurs, le tout combiné à un climat politique très tendu, a conduit à l’extinction progressive de la production nigérienne.

• Sénégal : Le cinéma sénégalais est dominé par la figure d’Ousmane Sembène (1923-2007), auteur du premier film de l’ère de l’indépendance, La Noire de… (Prix Jean Vigo 1966). Toute sa vie il aura défendu une approche « engagée » du cinéma, vu comme un moyen de critique sociale. Son œuvre a d’ailleurs été souvent victime de la censure, comme Ceddo en 1976 ou Camp de Thiaroye en 1987. Plus récemment La pirogue (2012) de Moussa Touré a connu une belle carrière internationale.


Le cinéma d’Afrique de l’Ouest en DVD/Blu-ray
En l’absence d’éditeur local, il faut se tourner vers la France pour trouver des versions DVD/Blu-ray. Arte video, Les films du Paradoxe et La médiathèque des trois mondes (M3M) se partagent l’essentiel des œuvres des cinéastes d’Afrique occidentale, toujours en zone 2 bien entendu. Des trois éditeurs cités, M3M, par ailleurs spécialisé dans les films du tiers-monde, possède le catalogue le plus large, et propose un coffret Cinéastes africains qui regroupe en 4 DVD un échantillon de films signés par des réalisateurs majeurs (Ousmane Sembène, Oumarou Ganda, Mustapha Alassane, etc.). En Zone 1 (Amérique du nord) l'offre est plutôt limitée. Chez Kino International, éditeur new-yorkais spécialisé en « cinéma du monde », distribue entre autres Yeelen de Souleymane Cissé, La genèse de Cheick Oumar Cissoko et Samba Traoré d’Idrissa Ouedraogo. Timbuktu (2014) d’Abderrahmane Sissako paraitra en DVD au cours de l’année 2015.

Autres sorties DVD en Zone 1:
La nuit de la vérité (2004) de Fanta Régina Nacro (Burkina Faso)
Faro, la reine des eaux (2007) de Salif Traoré (Mali)
Bamako (2006) d’Abderrahmane Sissako
Half of a Yellow Sun (2013) de Biyi Bandele (Niger)
August the First (2007) de Lanre Olabisi (Niger)
La pirogue (2012) de Moussa Touré (Sénégal)
Moolaadé (2004) d'Ousmane Sembene (Sénégal)
Touki Bouki (1973) de Djibril Diop Mambéty (Sénégal)
Madame Brouette (2002) de Moussa Sene Absa (Sénégal)


Sources
- Dictionnaire Larousse du Cinéma, édition 2002
- www.africine.org
- www.imdb.com
- www.wikipedia.fr
- http://www.cine3mondes.com


Auteur: Sébastien Bouché
Date de publication: 01/06/2015
Dernière révision: 01/06/2015