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Que voit-on au cinéma?

Dossier
Voit-on le même film en copie argentique et en copie numérique?

De toute évidence non : les rayures, les poussières, l’instabilité-souvent sensible sur les sous-titres- signent la pellicule. A tel point que lorsque l’on veut donner un ''look'' film à une vidéo, on l’afflige de ces défauts !

La différence se résume-t-elle à cela ?

Que la chaîne qui conduit à la projection devant des spectateurs soit argentique, numérique ou mixte, d’autres paramètres communs joueront sur l’impression de qualité ressentie.

Le plus important, parce que multiplicateur dans ses effets, est la FTM, la Fonction de Transfert de Modulation.

Ça a l’air peu engageant mais c’est simplement la courbe qui représente le contraste avec lequel sont reproduits des détails de plus en plus fins. Elle chute assez rapidement. Sur la FTM en illustration (une excellente XDCAM Sony) le contraste n’est plus que de 50% à 641 lignes par hauteur d’image… ce qui est très bon. Sur cette courbe, à la résolution limite de la caméra (1080 lignes) le contraste des plus petits détails reste encore de 20%. L’optique module jusqu’à 2000 lignes mais par construction la caméra n’ira pas plus loin que 1080 lignes.
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En 35mm la résolution limite se manifeste de façon différente. Si une image comporte une moitié blanche et l’autre noire, le contraste sera probablement de 100% (à moins que l’image soit voilée ou sous-exposée). Les choses se gâtent quand les détails deviennent petits. Sur des traits noirs et blancs de plus en plus rapprochés, le contraste baisse tellement que vient un moment ou l’œil ne fait plus la différence et ne voit qu’un gris. On atteint ici la résolution limite, qui correspond à un contraste résiduel de 10%. L’œil sait séparer 10% sur deux grandes plages mais pas sur de tout-petits détails.
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Le problème est que la FTM joue sur l’optique de prise de vue, la pellicule, l’optique de tirage si on en utilise une (passage du S35 au scope par exemple), l’interpositif étalonné, l’internégatif, la copie et l’optique de projection. Le problème concerne donc particulièrement la filière film.

Un détail reproduit par l’optique avec un contraste de 70% (soit facteur x0.7) semble très satisfaisant à l’œil mais les effets se multiplient. Au bout de la chaîne restante, sur la même base, 0.7 x 0.7 x 0.7 x 0.7 x 0.7 x0.7 x0.7 =8%. Autrement dit il n’y a plus rien à voir (en réalité les dégradations varient selon les étapes mais l’idée est bien là).

Une étude franco-italo-américaine a démontré qu’au bout de la chaîne film, même avec d’excellentes optiques Panavision ou Zeiss et une pellicule de prise de vue très fine (Kodak 5274), la résolution finalement perçue par les spectateurs allait de 433 à 860 lignes par hauteur d’image, selon la salle et la position du test dans l’image (le centre n’était pas forcément meilleur). On est TRES loin de ce qu’imaginent beaucoup de professionnels.

Ce test ne tient pas compte de l’usure d’exploitation mais la répartition inégale des résultats fait porter un soupçon sur la rigueur des projectionnistes en matière de point.

Le numérique arrange-t-il les choses?

Le cas le plus fréquent est un tournage argentique suivi d’une numérisation, le reste de la post production ayant lieu en numérique. Arri a démontré qu’un négatif 35mm scanné en 4k fournissait au mieux 57 cycles au mm, soit en 35mm une image 16/9 de 2500x1400 pixels. On est loin de l’équation 35mm=4K que soutiennent certains mais si le reste de la chaîne est numérique, y compris la projection, la résolution finale et surtout le rendu des détails fins sont très supérieurs à une copie film, même avec une image ramenée en 2K pour l’exploitation.
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Si la chaîne est intégralement numérique (image de synthèse) le contraste peut théoriquement atteindre 100% à la limite de résolution, seule la FTM de l’optique de projection vient limiter cette performance.

Si la prise de vue utilise une caméra numérique, l’optique de prise de vue mais aussi la FTM du capteur interviennent. En effet, un capteur CCD est une mosaïque de puits de lumière, un pixel peut être blanc et le suivant noir. C’est comme cela qu’on les utilise en astronomie où il n’est pas question de perdre de la précision et de la sensibilité en étalant un détail sur plusieurs pixels.
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Mais en photo et en cinéma il est d’usage d’utiliser un filtre « anti-aliasing » qui empêche les effets de crénelage en empâtant légèrement les détails les plus fins sans trop dégrader la qualité.

Par contre, contrairement à la projection film, la projection numérique peut afficher un pixel noir et le suivant blanc, avec un contraste maximal alors qu’on est à la définition limite (définie par l’échantillonnage en numérique alors qu’elle est une extinction du contraste en film). Globalement la filière numérique présente donc plus de détails perceptibles au spectateur que la filière film.

La querelle argentique/numérique a longtemps porté sur la dynamique, l’écart de lumière que le senseur était capable de reproduire. Aujourd’hui les caméras Dcinéma type Arri Alexa, Red Epic ou Sony F65 ont une dynamique au moins égale aux meilleures pellicules 35mm et une résolution utile supérieure.

Cela condamne-t-il l’argentique? Pas artistiquement : un auteur peut décider de tourner non seulement en 35 mais en 16 ou même en 8mm si cela correspond à son projet artistique. L’image sera moins précise, plus granuleuse (beaucoup plus en 8mm !) mais la démarche est parfaitement légitime.

La pellicule reste incontournable pour la conservation à long terme : une sélection trichrome sur 3 pellicules 35mm N&B est plus sécurisante que des fichiers électroniques aux supports fragiles et dont les standards ne cessent de changer.

Mais pour ce qui est du plaisir du spectateur, un film tourné ou scanné et post-produit en 4k et projeté en 4k (Sony ou les nouvelles générations DLP) offre un spectacle que jamais le 35mm n’a offert (en fait le 2K est déjà largement suffisant).
Auteur: Guy-Louis Mier
Date de publication: 01/01/2012
Dernière révision: 01/01/2012