Le cinéma pakistanais
Dossier
Si le cinéma indien, surnommé « Bollywood » (contraction de Bombay, la ville qui abrite les principaux studios, et de Hollywood), commence à être bien connu en Occident, il n'en est pas de même de Lollywood, son homologue pakistanais. Dans l'ombre du géant indien, le Pakistan peut néanmoins se targuer d'être un des rares pays du Tiers-Monde à posséder une industrie cinématographique digne de ce nom, à la fois prolifique et capable de résister à la mondialisation.
A peine remis d'une crise très grave, Lollywood semble entamer actuellement une mutation qui pourrait lui permettre d'être enfin reconnu en dehors des frontières du Pakistan.
Avant l'indépendance (1896-1947)
La première démonstration du cinématographe dans le sous-continent indien a lieu à Bombay en 1896. Les compagnies occidentales ouvrent rapidement leurs premiers studios dans cette ville. C'est seulement en 1924 que le premier film muet est tourné à Lahore. Quatre ans plus tard, Rashid Kardar fonde la compagnie United Players Corporation dans ce qui deviendra la capitale cinématographique du Pakistan. Ces nouveaux studios sont rapidement surnommés « Lollywood », contraction de Lahore et de Hollywood.
Une telle appellation n'est pas gratuite, car la proximité entre les productions des deux villes est réelle. Alors que dans les années 30 les films tournés à Bombay s'inspirent en priorité des traditions et de la culture indienne, les films tournés à Lahore singent les grands succès du cinéma américain. Lollywood commence par produire des westerns ou des films de cape et d'épée, tournés en Anglais, dans lesquels se démènent de pâles copies d'Errol Flynn ou de Douglas Fairbanks. Jusqu'en 1947, l'industrie cinématographique de Lahore reste loin derrière celle de Bombay, Madras et Calcutta, aussi bien en termes de qualité que de quantité. L'indépendance et la partition vont venir bouleverser cette situation.
L'essor du cinéma pakistanais (1947-1977)
Après la partition de 1947, Lollywood se retrouve seul lieu de production cinématographique au Pakistan, tous les autres studios se situant sur le territoire de l'Union Indienne. Un vaste marché national et plus de concurrence, voilà une situation rêvée pour les firmes de Lahore. Cependant, une importante difficulté doit être surmontée : le manque de main-d'uvre qualifiée.
Au moment de la partition, tout ce que Lahore comptait de réalisateurs, acteurs, et scénaristes compétents a émigré en Inde pour bénéficier de meilleures conditions de travail. Cet « exil des cerveaux » explique la médiocrité technique des premières productions pakistanaises. Si Bollywood se trouve désormais en territoire étranger, cela n'empêche pas ses films d'être importés au Pakistan, et la comparaison est souvent cruelle pour les films de Lahore
Malgré les problèmes que nous venons d'évoquer, la demande du public est suffisante pour qu'une industrie locale puisse se développer. En 1951, le gouvernement pakistanais crée la State Film Authority qui encourage et subventionne la production cinématographique dans le pays. Quelques années plus tard, la politique vient encore au secours du cinéma : suite à la guerre indo-pakistanaise de 1965, l'importation de films de Bollywood est interdite, ce qui laisse le champ libre à Lollywood.
Le nombre de films tournés chaque année progresse régulièrement pour atteindre une moyenne de 100 dans les années 70. A cette époque, Lahore ne compte pas moins de 11 studios dont le plus puissant est incontestablement Evernew Films. Les films sont désormais tournés en Urdu, la langue nationale, mais en aussi en Punjabi, la langue parlée dans la région de Lahore. D'autres studios sont construits à Peshawar (« Pollywood »), où on tourne en Pachto, et à Karachi (« Kariwood »), où on tourne en Sindhi.
Mais que tourne-t-on à Lollywood au juste ? D'après le Larousse du Cinéma (édition 2002), rien ou presque. Pour toute la période qui va de l'indépendance à 1977, le vénérable ouvrage ne mentionne que deux films dignes d'intérêt : Kismet (Nazir Ajmeri, 1957) et Day shall dawn (Aejay Kardar, 1959). On peut expliquer ce constat étonnant par l'approche quelque peu élitiste du Larousse : sans doute ne comptent à ses yeux que les films d'auteurs, capables de témoigner d'une sensibilité originale. Il passe sous silence l'énorme production de films de genre dont se régale le public pakistanais de l'époque : comédies musicales, mélodrames, et même quelques rares films d'horreur, dont l'improbable Dracula au Pakistan (Zinda Laash, Khwaja Sarfraz, 1967).
De manière générale, le cinéma pakistanais obéit aux mêmes codes que le cinéma indien, dont il est issu : les films sont très longs (entre 2h30 et 3h), les acteurs ont un jeu outré, proche du théâtre, et l'action est régulièrement interrompue par des intermèdes chantés et dansés. De 1965 au début des années 90, les producteurs pakistanais prennent également l'habitude de plagier honteusement les grands succès de Bollywood. Puisque les films indiens sont interdits sur le marché pakistanais, les spectateurs ne les connaissent pas et ne se rendent pas compte que Lollywood les copie ! Pour toutes ces raisons, on peut comprendre que les films pakistanais ont bien du mal à s'exporter et restent largement inconnus en Occident.
Les années 80 : le règne du gandasa
Le coup d'état du général Muhammad Zia en 1977 a d'importantes répercussions sur la production cinématographique. En effet, Zia met en place un régime islamiste et impose une censure sévère sur toutes les formes d'expression artistique. Il devient désormais impossible de tourner un film à thèse ou même un mélodrame romantique, dont certaines situations (amour impossible, adultère, etc.) vont à l'encontre de la morale coranique. Il ne reste en gros qu'un créneau possible : le film d'action.
En 1979, le film Maula Jatt, de Yunus Malik avec Sultan Rahi, devient le plus gros succès commercial de l'histoire de Lollywood et lance la mode du gandasa. A l'origine, le terme « gandasa » désigne une sorte de bêche utilisée par les paysans du Punjab. Sultan Rahi fait de cette bêche une arme redoutable pour châtier ses adversaires dans Maula Jatt. Le scénario de tous les films dits « gandasa » est à peu près le même, et dérive étroitement de celui de Maula Jatt : un méchant propriétaire terrien (le « chaudry ») rançonne les habitants d'un village ; un courageux paysan décide de prendre son gandasa à deux mains pour châtier le méchant et ses sbires. Et c'est encore plus drôle quand les scénaristes, pour relever un peu la sauce, remplacent le chaudry par le fils caché d'Hitler (Hitlar, Idrees Khan, 1986) ou Salman Rushdie (International Gorillay, Jan Mohammed, 1990) ! En général le gandasa se caractérise par :
- son ultra-violence : pas de bon gandasa sans une scène de massacre bien sanguinolente, à l'arme blanche ou à l'arme à feu.
- son machisme : les personnages féminins sont juste là pour danser et servir de faire-valoir à des héros virils et moustachus.
- Sa vulgarité : quelque soit le propos, le gandasa fait rarement dans la dentelle
Inutile de préciser que ces films ne franchissent pas les frontières du Pakistan, à l'exception de International Gorillay qui, malgré son islamisme radical et ses appels au meurtre contre Salman Rushdie, fera une brève apparition dans les salles anglaises.
Par ailleurs les années 80 sont marquées par la starisation à outrance de quelques acteurs qui sont désormais considérés comme des dieux vivants ; ainsi Sultan Rahi (500 films en 25 ans de carrière, il faut le faire !) chez les hommes et Anjuman chez les femmes. Si quelques gandasas bien racoleurs cartonnent, la production globale diminue, en raison de la censure mais aussi du développement conjugué de la télévision et du magnétoscope dans les foyers pakistanais : on tombe brutalement de 90 films tournés en 1978 à une soixantaine en 1979.
L'effondrement des années 90
Les années 80 sont bien pour le cinéma pakistanais une période de déclin, qui prépare la débâcle des années 90. L'arrivée de la télévision par satellite et d'internet permet au public d'avoir facilement accès aux productions étrangères, notamment indiennes, face auxquelles les films « made in Lollywood » font pâle figure
Par ailleurs les stars des années 80 disparaissent brutalement : Anjuman décide de se marier et de prendre sa retraite, Sultan Rahi est assassiné en 1996 au volant de sa voiture. Toutes les compagnies de production font faillite sauf Evernew Films, tandis que la production continue de chuter jusqu'à environ 30 films par an au début des années 2000. Au milieu de ce marasme, seuls quelques rares gandasas (Badmash Te Qanoon, Desan Da Raja) parviennent encore à surnager. On peut également signaler la sortie en 1998 d'une biographie de Mohammed Ali Jinnah, tournée à Karachi par Jamil Dehlavi, avec Christopher Lee dans le rôle du père de l'indépendance. Avec International Gorillay, c'est un des rares films pakistanais à bénéficier d'une distribution internationale 6 ans plus tard, et directement en DVD.
Le cinéma pakistanais aujourd'hui
Malgré un contexte intérieur troublé (instabilité politique, terrorisme, guerre civile au Waziristan) et une concurrence étrangère féroce, Lollywood continue tant bien que mal à fonctionner. Depuis 2007, la première chaine de télévision du pays, GeoTV, met la main à la pâte en participant au financement des films nationaux. Dans le même temps, les cinéastes essaient de s'adapter à l'époque en adoptant de nouvelles techniques : tournage en vidéo numérique, utilisation d'effets spéciaux en image de synthèse, autant de procédés devenus monnaie courante en Inde mais encore largement inconnus au Pakistan. Quelques signes encourageants peuvent être aperçus dans la production actuelle.
Depuis 2007 et le triomphe de Zibahkhana (Omar Ali Khan), le fantastique est en train de devenir un genre en vogue à Lollywood et attire un public de plus en plus nombreux. Les lecteurs attentifs pourront objecter que 40 ans auparavant, on avait déjà tourné un Dracula au Pakistan : c'est vrai, mais ce film n'avait pu sortir que sous l'étiquette « interdit aux moins de 18 ans », après avoir été sérieusement charcuté par la censure. Du coup, les producteurs s'étaient prudemment abstenus de retoucher au fantastique pendant près de 40 ans. Rien de tel pour Zibahkhana (pourtant bien plus violent), qui au contraire est en train d'amorcer une véritable vague fantastique au Pakistan. Par ailleurs, on annonce pour 2011 une sortie qui devrait faire grand bruit : Freedom Sound, de Nadir Husain Shah, le premier film de science-fiction pakistanais. Selon la presse, le film propose des effets spéciaux dernier cri et pourrait bien relancer à lui tout seul l'industrie cinématographique du pays. On attend de voir
Le cinéma pakistanais en DVD
L'industrie du DVD est encore embryonnaire au Pakistan, et les éditeurs occidentaux ne s'intéressent pas à Lollywood ; trouver un film pakistanais en DVD relève donc de la gageure. Tous les films antérieurs à l'indépendance semblent avoir été perdus. Pour le reste :
- Au Pakistan, GeoTV édite les récents succès de Lollywood au format NTSC multizones. Le site de vente en ligne cdonline propose également des éditions maisons des grands succès des années 70 à 90, dont le cultissime Maula Jatt, toujours en NTSC multizones.
- A l'étranger, l'éditeur indépendant Tip Top, basé au Royaume-Uni et spécialisé dans les productions indo-pakistanaises, propose à son catalogue quelques films de Lollywood (NTSC multizones). Toujours au Royaume-Uni, Asian Gold a édité en PAL multizones Jinnah avec Christopher Lee, mais ce DVD semble aujourd'hui épuisé. Aux Etats-Unis enfin, il est possible de dénicher sur le site lostsilver.com un transfert DVD (NTSC multizones) du fameux International Gorillay.
- Et en Français ? Rien ou presque. Seul Bach Films propose un DVD Zone 2 de Dracula au Pakistan en Urdu sous-titré français. Pour tous les autres DVD cités plus haut, pas de sous-titre, sauf éventuellement des sous-titres Urdu pour les films tournés en Punjabi, Pachto ou Sindhi. Il semblerait qu'il n'existe pas DVD pakistanais avec une piste sonore en Français, en tout cas pas pour le moment.
Sources
- Dictionnaire Larousse du Cinéma, édition 2002
- http://www.imdb.com
- http://en.wikipedia.org
- http://www.nanarland.com
- http://www.versionoriginale.ouvaton.org/article.php3?id_article=228
A peine remis d'une crise très grave, Lollywood semble entamer actuellement une mutation qui pourrait lui permettre d'être enfin reconnu en dehors des frontières du Pakistan.
Avant l'indépendance (1896-1947)
La première démonstration du cinématographe dans le sous-continent indien a lieu à Bombay en 1896. Les compagnies occidentales ouvrent rapidement leurs premiers studios dans cette ville. C'est seulement en 1924 que le premier film muet est tourné à Lahore. Quatre ans plus tard, Rashid Kardar fonde la compagnie United Players Corporation dans ce qui deviendra la capitale cinématographique du Pakistan. Ces nouveaux studios sont rapidement surnommés « Lollywood », contraction de Lahore et de Hollywood.
Une telle appellation n'est pas gratuite, car la proximité entre les productions des deux villes est réelle. Alors que dans les années 30 les films tournés à Bombay s'inspirent en priorité des traditions et de la culture indienne, les films tournés à Lahore singent les grands succès du cinéma américain. Lollywood commence par produire des westerns ou des films de cape et d'épée, tournés en Anglais, dans lesquels se démènent de pâles copies d'Errol Flynn ou de Douglas Fairbanks. Jusqu'en 1947, l'industrie cinématographique de Lahore reste loin derrière celle de Bombay, Madras et Calcutta, aussi bien en termes de qualité que de quantité. L'indépendance et la partition vont venir bouleverser cette situation.
L'essor du cinéma pakistanais (1947-1977)
Après la partition de 1947, Lollywood se retrouve seul lieu de production cinématographique au Pakistan, tous les autres studios se situant sur le territoire de l'Union Indienne. Un vaste marché national et plus de concurrence, voilà une situation rêvée pour les firmes de Lahore. Cependant, une importante difficulté doit être surmontée : le manque de main-d'uvre qualifiée.
Au moment de la partition, tout ce que Lahore comptait de réalisateurs, acteurs, et scénaristes compétents a émigré en Inde pour bénéficier de meilleures conditions de travail. Cet « exil des cerveaux » explique la médiocrité technique des premières productions pakistanaises. Si Bollywood se trouve désormais en territoire étranger, cela n'empêche pas ses films d'être importés au Pakistan, et la comparaison est souvent cruelle pour les films de Lahore
Malgré les problèmes que nous venons d'évoquer, la demande du public est suffisante pour qu'une industrie locale puisse se développer. En 1951, le gouvernement pakistanais crée la State Film Authority qui encourage et subventionne la production cinématographique dans le pays. Quelques années plus tard, la politique vient encore au secours du cinéma : suite à la guerre indo-pakistanaise de 1965, l'importation de films de Bollywood est interdite, ce qui laisse le champ libre à Lollywood.
Le nombre de films tournés chaque année progresse régulièrement pour atteindre une moyenne de 100 dans les années 70. A cette époque, Lahore ne compte pas moins de 11 studios dont le plus puissant est incontestablement Evernew Films. Les films sont désormais tournés en Urdu, la langue nationale, mais en aussi en Punjabi, la langue parlée dans la région de Lahore. D'autres studios sont construits à Peshawar (« Pollywood »), où on tourne en Pachto, et à Karachi (« Kariwood »), où on tourne en Sindhi.
Mais que tourne-t-on à Lollywood au juste ? D'après le Larousse du Cinéma (édition 2002), rien ou presque. Pour toute la période qui va de l'indépendance à 1977, le vénérable ouvrage ne mentionne que deux films dignes d'intérêt : Kismet (Nazir Ajmeri, 1957) et Day shall dawn (Aejay Kardar, 1959). On peut expliquer ce constat étonnant par l'approche quelque peu élitiste du Larousse : sans doute ne comptent à ses yeux que les films d'auteurs, capables de témoigner d'une sensibilité originale. Il passe sous silence l'énorme production de films de genre dont se régale le public pakistanais de l'époque : comédies musicales, mélodrames, et même quelques rares films d'horreur, dont l'improbable Dracula au Pakistan (Zinda Laash, Khwaja Sarfraz, 1967).
De manière générale, le cinéma pakistanais obéit aux mêmes codes que le cinéma indien, dont il est issu : les films sont très longs (entre 2h30 et 3h), les acteurs ont un jeu outré, proche du théâtre, et l'action est régulièrement interrompue par des intermèdes chantés et dansés. De 1965 au début des années 90, les producteurs pakistanais prennent également l'habitude de plagier honteusement les grands succès de Bollywood. Puisque les films indiens sont interdits sur le marché pakistanais, les spectateurs ne les connaissent pas et ne se rendent pas compte que Lollywood les copie ! Pour toutes ces raisons, on peut comprendre que les films pakistanais ont bien du mal à s'exporter et restent largement inconnus en Occident.
Les années 80 : le règne du gandasa
Le coup d'état du général Muhammad Zia en 1977 a d'importantes répercussions sur la production cinématographique. En effet, Zia met en place un régime islamiste et impose une censure sévère sur toutes les formes d'ex
En 1979, le film Maula Jatt, de Yunus Malik avec Sultan Rahi, devient le plus gros succès commercial de l'histoire de Lollywood et lance la mode du gandasa. A l'origine, le terme « gandasa » désigne une sorte de bêche utilisée par les paysans du Punjab. Sultan Rahi fait de cette bêche une arme redoutable pour châtier ses adversaires dans Maula Jatt. Le scénario de tous les films dits « gandasa » est à peu près le même, et dérive étroitement de celui de Maula Jatt : un méchant propriétaire terrien (le « chaudry ») rançonne les habitants d'un village ; un courageux paysan décide de prendre son gandasa à deux mains pour châtier le méchant et ses sbires. Et c'est encore plus drôle quand les scénaristes, pour relever un peu la sauce, remplacent le chaudry par le fils caché d'Hitler (Hitlar, Idrees Khan, 1986) ou Salman Rushdie (International Gorillay, Jan Mohammed, 1990) ! En général le gandasa se caractérise par :
- son ultra-violence : pas de bon gandasa sans une scène de massacre bien sanguinolente, à l'arme blanche ou à l'arme à feu.
- son machisme : les personnages féminins sont juste là pour danser et servir de faire-valoir à des héros virils et moustachus.
- Sa vulgarité : quelque soit le propos, le gandasa fait rarement dans la dentelle
Inutile de préciser que ces films ne franchissent pas les frontières du Pakistan, à l'exception de International Gorillay qui, malgré son islamisme radical et ses appels au meurtre contre Salman Rushdie, fera une brève apparition dans les salles anglaises.
Par ailleurs les années 80 sont marquées par la starisation à outrance de quelques acteurs qui sont désormais considérés comme des dieux vivants ; ainsi Sultan Rahi (500 films en 25 ans de carrière, il faut le faire !) chez les hommes et Anjuman chez les femmes. Si quelques gandasas bien racoleurs cartonnent, la production globale diminue, en raison de la censure mais aussi du développement conjugué de la télévision et du magnétoscope dans les foyers pakistanais : on tombe brutalement de 90 films tournés en 1978 à une soixantaine en 1979.
L'effondrement des années 90
Les années 80 sont bien pour le cinéma pakistanais une période de déclin, qui prépare la débâcle des années 90. L'arrivée de la télévision par satellite et d'internet permet au public d'avoir facilement accès aux productions étrangères, notamment indiennes, face auxquelles les films « made in Lollywood » font pâle figure
Par ailleurs les stars des années 80 disparaissent brutalement : Anjuman décide de se marier et de prendre sa retraite, Sultan Rahi est assassiné en 1996 au volant de sa voiture. Toutes les compagnies de production font faillite sauf Evernew Films, tandis que la production continue de chuter jusqu'à environ 30 films par an au début des années 2000. Au milieu de ce marasme, seuls quelques rares gandasas (Badmash Te Qanoon, Desan Da Raja) parviennent encore à surnager. On peut également signaler la sortie en 1998 d'une biographie de Mohammed Ali Jinnah, tournée à Karachi par Jamil Dehlavi, avec Christopher Lee dans le rôle du père de l'indépendance. Avec International Gorillay, c'est un des rares films pakistanais à bénéficier d'une distribution internationale 6 ans plus tard, et directement en DVD.
Le cinéma pakistanais aujourd'hui
Malgré un contexte intérieur troublé (instabilité politique, terrorisme, guerre civile au Waziristan) et une concurrence étrangère féroce, Lollywood continue tant bien que mal à fonctionner. Depuis 2007, la première chaine de télévision du pays, GeoTV, met la main à la pâte en participant au financement des films nationaux. Dans le même temps, les cinéastes essaient de s'adapter à l'époque en adoptant de nouvelles techniques : tournage en vidéo numérique, utilisation d'effets spéciaux en image de synthèse, autant de procédés devenus monnaie courante en Inde mais encore largement inconnus au Pakistan. Quelques signes encourageants peuvent être aperçus dans la production actuelle.
Depuis 2007 et le triomphe de Zibahkhana (Omar Ali Khan), le fantastique est en train de devenir un genre en vogue à Lollywood et attire un public de plus en plus nombreux. Les lecteurs attentifs pourront objecter que 40 ans auparavant, on avait déjà tourné un Dracula au Pakistan : c'est vrai, mais ce film n'avait pu sortir que sous l'étiquette « interdit aux moins de 18 ans », après avoir été sérieusement charcuté par la censure. Du coup, les producteurs s'étaient prudemment abstenus de retoucher au fantastique pendant près de 40 ans. Rien de tel pour Zibahkhana (pourtant bien plus violent), qui au contraire est en train d'amorcer une véritable vague fantastique au Pakistan. Par ailleurs, on annonce pour 2011 une sortie qui devrait faire grand bruit : Freedom Sound, de Nadir Husain Shah, le premier film de science-fiction pakistanais. Selon la presse, le film propose des effets spéciaux dernier cri et pourrait bien relancer à lui tout seul l'industrie cinématographique du pays. On attend de voir
Le cinéma pakistanais en DVD
L'industrie du DVD est encore embryonnaire au Pakistan, et les éditeurs occidentaux ne s'intéressent pas à Lollywood ; trouver un film pakistanais en DVD relève donc de la gageure. Tous les films antérieurs à l'indépendance semblent avoir été perdus. Pour le reste :
- Au Pakistan, GeoTV édite les récents succès de Lollywood au format NTSC multizones. Le site de vente en ligne cdonline propose également des éditions maisons des grands succès des années 70 à 90, dont le cultissime Maula Jatt, toujours en NTSC multizones.
- A l'étranger, l'éditeur indépendant Tip Top, basé au Royaume-Uni et spécialisé dans les productions indo-pakistanaises, propose à son catalogue quelques films de Lollywood (NTSC multizones). Toujours au Royaume-Uni, Asian Gold a édité en PAL multizones Jinnah avec Christopher Lee, mais ce DVD semble aujourd'hui épuisé. Aux Etats-Unis enfin, il est possible de dénicher sur le site lostsilver.com un transfert DVD (NTSC multizones) du fameux International Gorillay.
- Et en Français ? Rien ou presque. Seul Bach Films propose un DVD Zone 2 de Dracula au Pakistan en Urdu sous-titré français. Pour tous les autres DVD cités plus haut, pas de sous-titre, sauf éventuellement des sous-titres Urdu pour les films tournés en Punjabi, Pachto ou Sindhi. Il semblerait qu'il n'existe pas DVD pakistanais avec une piste sonore en Français, en tout cas pas pour le moment.
Sources
- Dictionnaire Larousse du Cinéma, édition 2002
- http://www.imdb.com
- http://en.wikipedia.org
- http://www.nanarland.com
- http://www.versionoriginale.ouvaton.org/article.php3?id_article=228
Auteur: Sébastien Bouché
Date de publication: 01/04/2011
Dernière révision: 01/04/2011