La communication marketing de l'industrie du cinéma et de la télévision
Introduction
Cette réflexion personnelle porte sur la communication marketing dans l’industrie qui est à la fois ma passion et mon gagne-pain : l’audiovisuel, et plus particulièrement le cinéma et la télévision. Par communication marketing du cinéma et de la télévision, j’entends en particulier parler de celle visant à promouvoir les produits audiovisuels que sont les films et émissions de télévision (et plus particulièrement les téléséries dans le cas de la télévision). La question du placement produits dans des œuvres audiovisuelles n’est abordé que dans le cas précis des accords croisés (tie-ins) entraînant aussi une promotion du film par l’annonceur du produit placé dans celui-ci, c’est pourquoi j’ai intitulé cette réflexion « la Communication Marketing DE l’industrie du cinéma et de la télévision » et non « la Communication Marketing DANS l’industrie du cinéma et de la télévision ».
Cette réflexion portera avant tout sur le marché Nord-Américain du cinéma et de la télévision. L’influence de Hollywood dans le monde occidental, si elle est actuellement fortement contestée, a tout de même été relativement hégémonique sur les cent dernières années. Le marché oriental du film (et notamment celui du sous-continent Indien, surnommé « Bollywood » à cause de son volume impressionnant) pourrait faire l’objet d’une réflexion d’un volume semblable à lui seul.
Je commencerai cette réflexion par un bref historique de la communication marketing du domaine, en commençant par les débuts de celui-ci, avant d’étudier les différentes formes que prend cette communication (notamment les différents vecteurs de celle-ci, ainsi que le traitement des fans par les différents acteurs1 du domaine), le branding de différents studios et diffuseurs (la gestion de leur propre marque et la problématique de la gestion des produits audiovisuels. Je conclurai en parlant d’une industrie florissante et tout aussi passionnante, et dont la communication marketing prend pour modèle celle du cinéma et de la télévision : le jeu vidéo.
Dans la grande tradition des suppléments établie par le support DVD, ce devoir comprend lui aussi une section de matériel supplémentaire venant illustrer le propos.
Bref historique de la communication marketing du cinéma et de la TV
Les balbutiements
Les débuts du cinéma, à la fin du 19e siècle, sont marqués par les expérimentations des Frères Lumière et de Thomas Edison, qui furent à la fois des inventeurs du médium et des entrepreneurs prompts à exploiter leur invention dans un but commercial. Avant 1915, le cinéma était considéré comme une curiosité, et la nouveauté du médium attirait les foules sans égard au contenu diffusé dans les salles. Les spectateurs allaient au cinéma, généralement pour un programme d’une durée assez courte, et n’allaient pas voir tel ou tel film.
Ce n’est que vers 1915 que la promotion du médium commença à être centrée sur les œuvres diffusées, et qu’apparut la notion d’exploitation. On notera que la première bande-annonce apparut en 1913. La nouveauté fit grand bruit, car c’était la première fois que les encarts publicitaires diffusés avant les films ne concernaient pas que des produits de consommation mais aussi des films à venir.
L’avènement du cinéma parlant, à partir de 1927 avec le film The Jazz Singer, fut le début d’une série d’innovations technologiques qui permit au médium naissant d’attirer des foules de plus en plus importantes dans les salles, innovations technologiques qui devinrent un des piliers de la communication marketing de l’industrie cinématographique.
L’explosion de l’industrie du divertissement
C’est durant la grande dépression des années 1930 que l’industrie du divertissement connut une réelle explosion. C’est dans ces années de crise économique profonde que les majors qui furent les fondements de l’industrie Hollywoodienne que nous connaissons aujourd’hui devinrent des acteurs d’importance. Si toute n’ont pas survécu à l’épreuve du temps (qui se souvient de RKO à part certains cinéphiles acharnés ?), d’autres, comme Warner Brothers ou la Twentieth Century Fox, pensent pouvoir continuer de faire la pluie et le beau temps sur l’industrie de l’audiovisuel dans son ensemble.
C’est à cette époque qu’apparut le National Screen Service2 (fondé en 1920), une compagnie chargée originellement de la production des bandes-annonces pour les studios, et qui graduellement prit le contrôle d’autres formes de promotion et de publicité. Dans les années 1940, cette compagnie avait des contrats d’exclusivité avec les grands studios pour la production et la distribution de tout le matériel promotionnel sur papier, des affiches aux pamphlets en passant par les photos affichées dans les salles d’attentes des cinémas3.
Les années 1980 virent l’apparition des multiplexes, ce qui réduisit grandement l’espace d’affichage réservé à chaque film dans les cinémas. Le format des affiches devint standardisé, ce qui permit aux studios et distributeurs de s’adresser à qui bon leur semblait pour la production du matériel promotionnel.
L’apparition de la télévision
L’apparition de la télévision après la seconde Guerre Mondiale mit à mal la domination du cinéma comme médium de divertissement de masse. Les studios de cinéma réagirent par l’adoption d’innovations technologiques visant à différentier leur produit de ce que les spectateurs pouvaient voir chez eux sur leur petit écran. C’est alors qu’apparurent des ratios d’image différents du format Academy (1.33 :1) alors en usage4, et dont la multiplicité ne cesse de plonger certains amateurs dans des abîmes de perplexité face aux fameuses bandes noires qu’elle leur impose sur leurs écrans de télévision. C’est l’époque de l’avènement des Cinemascope, Panavision5 et autres Technicolor6. La communication marketing des films de l’époque fait alors grand usage de ces termes techniques, afin de bien faire passer ce message de différentiation : ce que vous allez voir va repousser les limites de l’expérience cinématographique. Le dernier avatar de cette guerre technologique que se livre les cinémas et la télévision (ou plutôt son avatar moderne, le cinéma maison) est la résurgence de la stéréoscopie (aussi appelée 3D), une technologie qui fut longtemps considéré comme un simple artifice sans intérêt et que l’on pensait oubliée depuis des années, dans les multiplex grâce à l’avènement de la projection numérique.
L’apparition de la télévision entraîna aussi une mutation importante d’un des produits audiovisuels qui était jusqu’alors l’apanage des salles de cinéma : la série, alors connue en Anglais sous le nom serial. Ces feuilletons à suspense, diffusés avant les longs-métrages dans les salles de cinéma, disparurent de celles-ci aussi rapidement que les bulletins de nouvelles qui les précédaient, et avec eux se trouvèrent un nouvel hôte de choix dans le nouveau médium qui prenait son envol. Ce fut l’avènement d’un des produits culturels les plus importants de notre époque, la série TV. Le gnere acquit ses lettres de noblesse dans les années 1960, notamment à l’aide de productions britanniques comme The Avengers, Doctor Who ou Coronation Street7.
Les formes de communication marketing pour le cinéma et la TV
La communication marketing a pris une telle place dans l’industrie du cinéma qu’on considère maintenant que le budget de promotion d’un film est environ égal à son budget de production, ce qui double la mise nécessaire pour les studios. La communication marketing des films et séries TV est devenue bien plus complexe qu’elle ne l’était durant l’âge d’or du Technicolor.
Affiches et photos promotionnelles
Depuis la standardisation apportée par les grandes chaînes de multiplexes et autre vidéoclubs, le format des affiches de cinéma ont dû à la fois s’adapter à ce format très conventionnel et se réinventer pour mettre à profit les nouveaux supports d’affichage, comme les bus et les bâtiments. Dans le premier cas, des campagnes à long terme, commençant bien avant la sortie du film par des séries d’affiches plus ou moins cryptiques permettent de générer un certain buzz et un effet d’anticipation. Pour le second cas, un astucieux exemple est donné ci-contre.
Une des différences majeures entre le matériel promotionnel entourant les films et celui entourant les séries TV est la suivante : Les affiches et encarts publicitaires des films vont généralement mettre l’accent sur l’ambiance du film ou son histoire (sans oublier de laisser une bonne place pour le nom des stars qui jouent dedans), alors que la communication entourant les séries TV se fait surtout autour des personnages. En effet, l’attribut principal d’une série, et la souce de l’attachement à long terme des spectateurs à celle-ci, vient du développement des personnages, qui est bien plus complexe que ce qu’on peut trouver dans un long-métrage d’une durée limitée à environ deux heures. On est bien loin des classiques photos extraites des films que l’on retrouvait dans les salles d’attente des cinémas d’antan.
Bandes-annonces
Avant les années 1960, les bandes-annonces des films, généralement toutes construites sur le même modèle, étaient considérées comme purement utilitaires et faisaient partie de la chasse gardée du National Screen Service.
Le style des bandes-annonces changea radicalement dans les années 1960, des réalisateurs comme Stanley Kubrick décidèrent de prendre en main la création de leurs propres bandes-annonces, créant une nouvelle tendance faite de montages rapides et bien souvent dépourvus de texte (à la différence des productions du NSS, qui faisaient largement appel à des lettrages gigantesques sur une proportion déraisonnables de leur durée). Un des réalisateurs les plus coutumiers du fait fut Alfred Hitchcock, dont la bande-annonce de Psycho8, qui sur une durée de plus de sept minutes ne fait appel qu’à quelques secondes du film, est un pur chef d’œuvre.
Le succès de la bande-annonce du film indépendant Night of the Iguana conduisit son réalisateur, Andrew J. Kuehn, à fonder la compagnie Kaleidoscope9 en 1967. Cette compagnie se vit confier la réalisation des bandes-annonces d’une part importante des films sortis dans les années suivantes, et des créateurs formés chez Kaleidoscope créèrent à leur tour des agences créatives spécialisées dans le format, qui prospèrent encore aujourd’hui10.
Placement produits, marketing croisé
S’il est courant de voir dans un film des produits de consommation courante et des marques qui ont payé pour y apparaître, ces stratégies de placement produit prennent tout leur intérêt lorsqu’elles visent à la promotion de l’œuvre audiovisuelle en même temps que du produit de consommation courante annoncé, l’annonceur ayant placé le produit dans le film affichant fièrement sa collaboration lors de la promotion de ses produits. De telles campagnes croisées existent presque depuis les débuts de l’industrie du cinéma.
Parmi les annonceurs coutumiers du fait, on notera la marque automobile BMW, qui apparut notamment dans quelques films de James Bond tout en participant activement à leur promotion, et McDonalds, qui distribue souvent dans ses Joyeux Festin des figurines tirées de films pour jeunes à succès.
Communication interactive et marketing viral
Depuis l’avènement du web, la communication interactive est devenue un passage obligé pour tous les produits audiovisuels, qu’ils soient produits par des amateurs dans leur garage ou par des multinationales du cinéma (qui avec la convergence que l’on observe depuis quelques années sont devenues des multinationales multimédia).
Chaque film qui sort en salles, ainsi que chaque série diffusée à la télévision, se voient adjoindre un site officiel permettant au public-cible de regarder les bandes-annonces, d’en apprendre plus sur l’histoire et de télécharger des fonds d’écrans et autres articles numériques destinés à la personnalisation de leur téléphone cellulaire ou de leur outil de clavardage.
Certains producteurs et réalisateurs vont bien plus loin, en allant jusqu’à créer des sites et autre matériaux promotionnels fictifs reliés à l’univers du film ou de la série, ou en laissant des extraits vidéo ou sonores cryptiques à des endroits choisis de la toile. Un exemple récent et très remarqué fut la communication marketing virale entourant la série True Blood diffusée sur HBO, dont un exemple est illustré ci-contre11. Dans de tels exemples, le marketing viral sort de la toile, et des campagnes d’affichage complètement délirantes viennent ajouter au buzz entourant l’œuvre audiovisuelle ainsi promues.
Un des producteurs les plus actifs dans le domaine viral, et plus particulièrement sur le web, est JJ.Abrams, créateur de séries à succès comme Alias, Lost et Fringe, et de films comme Cloverfield ou le dernier Star Trek. De nombreux sites reliés aux entités fictives12 apparaissant dans de telles œuvres participent à leur ancrage dans le monde réel, pour le plus grand plaisir des fans.
Les fans eux-mêmes participent énormément au buzz entourant les productions audiovisuelles, en créant des sites bien souvent largement supérieurs en matière de contenu aux sites officiels créés par les distributeurs et leurs agences de communication. De véritables encyclopédies en ligne, sur le modèle de Wikipedia, sont ainsi disponibles pour la plupart des séries TV13.
Gestion du buzz et traitement des fans
La gestion du buzz entourant un film ou une série télévisée passe par une utilisation intelligente du marketing viral et surtout par un bon traitement des critiques et des fans, qui seront les principaux vecteurs de ce buzz.
Évidemment, on parle ici des uvres ayant un minimum de prétention artistique. Certains produits, notamment des films de série B ou comédies estivales pour adolescents, sont produits dans un pur but commercial, et connaissent parfois un certain succès malgré des critiques négatives. Lorsquun film sort dans les salles (ou pire, directement en DVD) sans projection aux critiques de la presse ou avant-première, on peut en déduire avec peu de chances de se tromper quil va sagir dun navet, et que les producteurs et distributeurs essayent déviter à tout prix un buzz négatif afin dessayer de maximiser les ventes de billets ou de disques lors de la première semaine.
Le traitement des fans par les acteurs de l’industrie
Dans la plupart des stratégies de communication marketing, les fans sont négligés, et ce pour une raison bien simple : cette frange de 5 à 10% du marché ciblé par le produit n’a pas à être convaincue : ces gens-là vont acheter le produit de toute façon. La communication marketing vise généralement les indécis et ignore superbement les fans.
Pourquoi est-ce différent dans ce domaine? Les fans de cinéma et de télévision, qu’ils soient cinéphiles en général ou fans d’une actrice célèbre ou d’un type particulier de fiction, sont un cas bien différent des fans d’Apple ou de Sony. En effet, ceux-ci sont les acteurs principaux du buzz qui va entourer la sortie d’un nouveau film ou la continuité d’une série télévisée, le plus bel exemple étant les sites de fans décrits plus haut et qui, pour certains, ont atteint une réputation et une crédibilité telle qu’ils sont devenus des interlocuteurs de choix pour les producteurs.
La manière habituelle de générer un buzz positif autout d’un projet de film ou de série TV à partir des fans consiste à diffuser au compte-gouttes des informations là où ceux-ci se trouvent. C’est ainsi que des sites ultra-ciblés comme ain’t it cool news14 ont accès à des informations privilégiées qui ne sont pas diffusées aux journalistes de médias plus traditionnels. Les conventions spécialisées, comme Comic-Con15, sont aussi utilisés par les studios pour diffuser des bandes-annonces exclusives et organiser des rencontres entre les acteurs (et réalisateurs, scénaristes etc…) et les fans du genre. C’est ainsi que les producteurs de films comme 300 ou Watchmen ont généré un buzz très tôt en diffusant des extraits dans des conditions de sécurité dignes d’une base militaire (fouille à l’entrée, personnel équipé de lunettes à infrarouges pour éviter que les spectateurs filment l’écran…) plusieurs années de suite au public de la Comic-Con de San Diego en Californie.
À la différence de la communication de masse, la communication virale à l’adresse des fans est profondément respectueuse de ceux-ci. Elle joue en effet sur leur intelligence, en prenant la forme de véritables jeux de piste atteignant parfois une échelle impressionnante, qu’on appelle parfois jeux de réalité alternative. Des exemples remarqués ont entouré la sortie du film Cloverfield16 ou ont occupé une frange des fans de la série Lost17 entre deux saisons de celle-ci.
Le positionnement et le branding des studios et des diffuseurs
Gestion de marques de studios
Les studios hollywoodiens sont avant tout spécialisés dans les fils à grand public. Cependant, cette notion de grand public recouvre bien des segments différents du public, avec des attentes et des mentalisations bien différentes vis-à-vis des films et séries télévisées. Si les majors peuvent être considérés comme des marques corporatives recouvrant une vaste gamme de produits, ils ont développé des marques de différents niveaux correspondant à différents segments du public. Dans certains cas, la marque corporative est partiellement effacée afin de ne pas semer de confusion dans l’esprit du grand public. Par exemple, la Fox distribue les films d’auteur et autres productions indépendantes prometteuses sous le label Fox Searchlight, le logo Fox Seachlight venant remplacer le traditionnel logo Twentieth Century Fox avant le générique d’ouverture.
Des studios de production de différentes tailles ont développé une image corporative et un prisme d’identité de marque bien précis. Ces différentes identités se retrouvent énoncés avant chaque générique de film par l’adjonction des logos animés des différents studios ayant coproduit le film après celui du studio ou de la major chargée de la distribution du film. On peut citer comme exemple particulièrement parlants :
Legendary Pictures, alliés de la Warner spécialisés dans les films épiques comme Batman Begins ou 30018. Bien que la compagnie se décrive comme une compagnie de production indépendante, on peut la considérer comme une marque ombrelle de Warner spécialisée dans les films à grand spectacle. Troublemaker Studios, marque de fabrique de Robert Rodriguez, réalisateur de films comme Desperado et Sin City, qui a choisi de s’éloigner du système Hollywoodien des majors et des syndicats professionnels en préférant renoncer à son statut de membre de la Director’s Guild of America19 plutôt que de ne pas créditer l’auteur de la bande dessinée Sin City, Frank Miller, comme co-réalisateur de l’adaptation cinématographique de celle-ci, ce qui lui valut la perte de juteux contrats de réalisation avec certaines majors.
En ce qui concerne la télévision, certains diffuseurs ont aussi pris le rôle de producteurs. Dans le cas des grands réseaux Américains, la vocation généraliste s’exprime par une certaine diversité et une faible prise de risque dans les séries produites. C’est ainsi que Fox a fait deux fois le malheur des fans de science fiction, une première fois en prolongeant trop longtemps la série à succès The X-Files, et une seconde fois en tuant dans l’œuf la prometteuse série Firefly.
L’identité de marques des grands réseaux est assez floue, les thèmes explorés étant extrêmement divers et les niveaux de qualité très inégaux. Les chaînes câblées ont une identité plus marquée, et ont tendance à prendre plus de risques. La plus célèbre est bien entendu HBO, qui s’est construit une solide réputation en produisant des séries de grande qualité, aux thèmes radicalement adultes et risqués20, et aux budgets parfois pharaoniques21. Un autre exemple est SciFi, chaîne qui comme son nom l’indique s’est spécialisée dans la science-fiction, et qui après des années dans le rôle de simple diffuseur s’est mise à produire des séries comme Eureka et Battlestar Galactica. Il est intéressant de noter qu’afin de s’offrir des possibilités d’élargir sa marque au-delà de la science-fiction, cette chaîne vient, dans une décision corporative laissant les fans perplexes, de changer de nom pour s’appeler SyFy22.
Gestion des produits audiovisuels par les diffuseurs et distributeurs
Dans une industrie aussi diversifiée que celle du divertissement, il y a, nous l’avons vu, possibilité pour les différents acteurs du domaine de se construire des identités de marque variées correspondant à différents segments du marché. Il en est de même pour les canaux de distribution, que ce soit les distributeurs de films ou les chaînes de télévision. Ceux-ci achètent les produits correspondant à leur image de marque, en les mettent en marché conformément à celle-ci.
Une gestion parfois hétérogène
Que cette réalité entraîne des différences sur le matériel destiné à la promotion d’un film ou d’une série selon les territoires, cela ne surprend personne. Il peut cependant arriver qu’un même produit soit destiné à des publics totalement différents selon le territoire où ils sont distribués, atteignant parfois des cibles auxquelles les créateurs des œuvres en question n’auraient même pas osé penser.
Un des exemples les plus extrêmes aura été le traitement par la chaîne Française TF1 (et plus particulièrement la compagnie AB productions) des séries animées Japonaises Hokuto no Ken (Fist of the Northstar, Ken le Survivant en France), série de science-fiction post-apocalyptique particulièrement sombre, et Shitî Hantâ (City Hunter, Nicky Larson en France), série policière aux sous-entendus sexuels particulièrement explicites, qui furent diffusées (en versions censurées) dans le cadre d’une émission pour enfants alors qu’il s’agissait évidemment d’œuvres destinées à un public adulte23.
La question de la censure
Une intervention extérieure, en l’occurrence généralement d’origine gouvernementale, vient compliquer la question. Il s’agit de la censure, ou plutôt, en termes politiquement corrects, des classements assignés aux différentes œuvres visant à protéger la jeunesse. C’est ainsi que, selon les critères des organismes de classement, une œuvre peut se voir autorisée pour tous dans un territoire et interdite aux moins de 17 ans dans un autre. Dans de telles conditions, il est encore plus difficile d’homogénéiser la communication marketing entourant la sortie d’une œuvre ainsi controversée.
Le cas de la MPAA et de ses ratings
Si les organismes de classement sont pour la plupart gouvernementaux, il existe une exception flagrante : Aux États-Unis, c’est la MPAA (Motion Picture Association of America) qui est chargée du classement des œuvres audiovisuelles. Or, la MPAA n’est pas du tout un organisme public, mais une association regroupant principalement les majors du cinéma, et servant la plupart du temps d’organisme de lobbying pour celles-ci. Il y a ici une question de gouvernance et de conflits d’intérêts qui se pose. Le collège de censeurs régissant les classements de la MPAA24 n’ont à répondre à personne de leurs décisions, alors que celles-ci peuvent avoir une influence cruciale sur le succès commercial d’un film (une œuvre classée R ayant bien moins de chances de casser la baraque le premier week-end que la même, classée PG-1325).
Un des reproches les plus couramment exprimés vis-à-vis du système de classement de la MPAA est que ces derniers tendent à expliquer dans le détail quels seraient les amendements à faire au montage d’un film afin que celui-ci obtienne un classement plus favorable lorsque ledit film provient d’un de leurs membres, alors que les producteurs de films indépendants sont totalement laissés dans le flou sur les raisons des classements de leurs films. D’autres leurs reprochent un biais culturel ou religieux.
Un documentaire indépendant, This Film Is Not Yet Rated26, explore d’ailleurs les arcanes des classements de la MPAA et les remet en question. Ce film, originellement classé NC-17 a été modifié par ses auteurs, et la nouvelle version, ironiquement, n’est pas encore classée par la MPAA, et en pratique ne peut donc plus être distribué aux États-Unis.
La communication marketing de l’industrie du jeu vidéo
Si d’aucuns prétendent que l’industrie du jeu a dépassé Hollywood en chiffre d’affaires, cette affirmation ne tient pas en compte le marché extrêmement lucratif du DVD27. Il n’en reste pas moins que l’industrie du jeu vidéo offre une concurrence de plus en plus sévère à celle des médias audiovisuels plus traditionnels. Malgré la relative jeunesse de l’industrie du jeu vidéo, il existe de nombreuses similitudes entre celle-ci et celle du film et de la télévision.
Cela est particulièrement apparent au niveau de la communication marketing, qui utilise les mêmes supports et les mêmes canaux. Les bandes-annonces de titres AAA (les jeux les plus ambitieux de l’industrie, on pense notamment à des franchises comme Grand Theft Auto ou Halo) sont aussi attendues que celles des blockbusters de l’été prochain. Les campagnes d’affichage débordent des boutiques spécialisées et atteignent le métro et les autobus.
La convergence des médias a fait des consoles de nouvelle génération des supports de distribution de films et de séries TV28. De plus, de nombreux jeux vidéo sont de simples adaptations de films à succès, et certains films sont à l’inverse des adaptations de jeux vidéo connus. Jusqu'à présent, malheureusement, ces adaptations (dans un sens ou dans l’autre) ont en général été fort mal reçues par la critique29.
Lectures conseillées
Steven Johnson, Everything Bad Is Good for You: How Today's Popular Culture Is Actually Making Us Smarter
Riverhead Hardcover, ISBN-10: 1573223077
http://www.amazon.com/Everything-Bad-Good-You-Actually/dp/1573223077
Jay Newell, Charles Salmon, Susan T. Chang, The hidden history of product placement
Journal of Broadcating and Electronic Media
http://www.amazon.com/hidden-history-product-placement-Broadcasting/dp/B000R2ZBD2
Matériel supplémentaire
Suivant l’exemple des DVDs, qui sont considérés comme incomplets sans une section de matériel supplémentaire venant s’ajouter à l’œuvre présente sur le disque, cette réflexion comporte aussi quelques bonus, à savoir des illustrations venant compléter le propos. Voici. Affiches et images promotionnelles
Affiches de films de différentes époques
Des classiques d’après-guerre…
Source : http://www.movieposter.com
à des affiches plus modernes
Campagne d’affichage entourant la sortie de la série True Blood
Note:
Les sites web cités sur les affiches existent vraiment
La Cène, revisitée par les acteurs de Battlestar Galactica pour la quatrième et dernière saison de la série. Cette photo eut le don de plonger les fans dans des abîmes de spéculation, notamment sur la nature messianique de certains personnages.
Deux photos promotionnelles à l’ambiance très différente pour une seule et même série, Six Feet Under
1 Le terme « acteur » est ici à prendre dans son sens général; on ne parle pas seulement de ceux qui donnent vie aux personnages mais aussi aux auteurs, producteurs, distributeurs et autres diffuseurs.
2 http://en.wikipedia.org/wiki/National_Screen_Service
3 http://www.learnaboutmovieposters.com/NewSite/INDEX/COUNTRIES/US/HISTORY/NSS/nss.asp
4 Aspect ratios : http://www.widescreen.org/aspect_ratios.shtml
5 The Ultimate Table of Formats – Aspect Ratios : http://www.widescreen.org/aspect_ratios.shtml
6 À l’origine un des procédés utilisés pour le cinéma en couleurs, aujourd’hui une compagnie de services audiovisuels appartenant au groupe français Thomson.
7 Diffusée à partie de 1960, ce soap opera est une des émissions les plus anciennes encore produite actuellement, avec à ce jour plus de 6000 épisodes. http://www.tv.com/coronation-street/show/1419/summary.html
8 http://www.youtube.com/watch?v=EzAnE4zuYuA
9 http://en.wikipedia.org/wiki/Trailer_(film)
10 Un autre exemple de cette tendance à la spécialisation dans le domaine suite à l’apparition d’un chef d’œuvre qui a redéfini un genre est la compagnie Imaginary Forces, créée par Kyle Cooper après le succès du film Se7en de David Fincher, dont il avait signé la séquence d’ouverture (http://www.youtube.com/watch?v=SEZK7mJoPLY). Le magazine Wired a consacré un article à son sujet : http://www.wired.com/wired/archive/12.06/cooper.html.
11 Jason Dowell, True Blood HBO’s Vampire TV Show Taking Viral Marketing to Extremes, Marketing Shift : http://www.marketingshift.com/2008/9/trueblood-hbo-vampire-series-virus.cfm
12 Voir en exemple le site de Oceanic Airlines, entité importante de la série Lost : http://flyowa.com/
13 Deux exemples majeurs sont Lostpedia (http://lostpedia.wikia.com/wiki/Main_Page) sur la série Lost et Battlestar Wiki (http://battlestarwiki.org/) sur la série Battlestar Galactica. Dans un autre registre, la série Desperate Housewives bénéficie elle aussi d’un wiki créé par des fans (http://desperate.wikia.com/wiki/Desperate_Housewives_Wiki) ce qui prouve qu’il n’y a pas que les fans de science-fiction qui sont prêts à consentir tant d’efforts pour leur série culte.
14 Surnommé AICN, site de référence parmi les fans de cinéma et de télévision : http://www.aintitcoolnews.com
15 Convention qui à ses débuts concernait principalement les fans de bandes dessinées américaines, mais qui par extension est devenue la plus importante convention de science-fiction en Amérique du Nord. http://www.comic-con.org/
16 On peut douter de la relation entre une boisson japonaise pour enfants (Slusho, http://www.slusho.jp/) et un film de monstres se déroulant à New-York. Après une exploration approfondie du site et d’autres reliés au film, une pseudo-réalité inquiétante apparaît.
17 Cet article définit la notion de jeu de réalité alternative et donne des détails sur les trois expériences du genre créées autour de la série Lost : http://lostpedia.wikia.com/wiki/Alternate_reality_game
18 Legendary Pictures company information, bizjournals :
http://www.bizjournals.com/gen/company.html?gcode=4020EE31A5D4451C8DB8E18BCD3F2E09
19 Guilde Américaine des Réalisateurs, qui bénéficie de contrats d’exclusivité avec les majors : http://www.dga.org
20 La tendance à commencé avec la très dure série carcérale Oz. Les fans de Six Feet Under ont remarqué que le nombre de scènes de sexe par épisode augmentait avec le temps. Ceux de la série western Deadwood ont carrément inventé une nouvelle unité de mesure, le FPM (F-word Per Minute) tellement le langage utilisé par les personnages était grossier.
21 Les séries Carnivàle et Rome sont les séries les plus chères de l’histoire de la télévision, avec des budgets dépassant les 4 millions de dollars par épisode. La première dut être annulée faute de ventes suffisantes à l’étranger.
22 Communiqué de presse : http://scifiwire.com/2009/03/sci-fi-channel-to-become.php
23 À leur décharge, on notera qu’à l’époque les distributeurs occidentaux et notamment Français, ayant totalement oubliés les œuvres de créateurs comme Ralph Bakshi (Fritz the Cat), considéraient le dessin animé comme un médium principalement destiné à un public jeune. Il fallut attendre le succès international de longs-métrages Japonais comme Akira et Ghost in the Shell pour remettre les pendules à l’heure. Mais même à l’heure actuelle, les producteurs occidentaux ont bien du mal à se décider à financer des œuvres animées pour adultes, laissant encore une fois le champ libre à leurs concurrents Japonais.
24 Voir à ce sujet la page de la MPAA : http://www.mpaa.org/ratings , qui présente ce système de classement comme étant volontaire.
25 R signifie Restricted, et interdit aux spectateurs de moins de 17 ans d’assister à une projection sans être accompagnés d’un adulte. PG-13 est beaucoup moins restrictif, et indique simplement aux parents que le contenu pourrait être déconseillé à des enfants de moins de 13 ans.
26 http://en.wikipedia.org/wiki/This_Film_Is_Not_Yet_Rated
27 Nick Breckton, Hollywood vs. Games : Oh God Numbers, shacknews.com :
http://www.shacknews.com/featuredarticle.x?id=540
28 Notamment la Xbox de Microsoft, avec le Xbox Live video marketplace, plateforme qui permet de louer des films en qualité DVD ou HD sans quitter son fauteuil.
29 L’exemple le plus pathétique étant le réalisateur allemand Uwe Boll, spécialisé dans les navets adaptés de jeux vidéo. Un contre-exemple est la série de jeux vidéo Lego (Lego Star Wars, Lego Indiana Jones etc...) qui sut à la fois séduire le grand public et la critique.