Facebook Twitter      Mobile RSS        
DVDEF
 

Qui sauvera le cinéma face au cinéma maison en haute définition?

Dossier
C’est la grande crise du début des années cinquantes qui recommence : face à la menace de la télévision (aujourd’hui de la haute définition), le cinéma répond « écran géant » et « Relief ».
Cette fois ci l’écran large n’est plus en Cinerama, 70mm ou CinemaScope mais en numérique 4K. Le circuit américain AMC équipe 54 de ses salles en serveurs et en projecteurs 4K de chez Sony, dont la pub martèle « Offrez leur l’expérience numérique qu’ils ne peuvent avoir à la maison ». Mais pour le moment c’est le relief qui rafle la mise, alors que dans les années 50 les Bwana Devil, Hondo et autre Créature du lagon noir n’avaient connu qu’un succès éphémère face à l’écran géant !

Sorti aux USA sur 3153 écrans dont 740 en 3D, Beowulf (Robert Zemeckis) a ramassé 28,1 millions $ en 3 jours... dont 40 % générés par les salles 3D. En mars, la version 3D de Bienvenue chez les Robinsons (Stephen Anderson, 587 salles 3D) avait déjà recueilli des recettes deux fois supérieure à celle de la version 2D (recettes totales sur 7 semaines : 94 millions $).
On attend toute une série de blockbusters en 3D : Avatar (James Cameron), Shrek 4, Toy story 3 (Lee Unkrich), Battle angel (James Cameron), une trilogie Tintin (Steven Speilberg et Peter Jackson), Emmène moi sur la lune (Ben Stassen, production belge qui ne sera projetée qu’en 3D), sans compter les conversions 3D (la saga Star Wars) avec des procédés du type IN3D ou, en France, 3DLized.

La filière « relief » exige pratiquement le passage au numérique : l’option 3D est maintenant disponible sur tous les serveurs : Doremi, Dolby, Kodak, Real Image permettent le relief à partir d’un seul projecteur, sans les problèmes de réglage et de désynchronisation habituels en 35mm.
Certes, en support film, Imax joue depuis longtemps la carte du relief (au dépend, hélas, de l’Omnimax, seule innovation technico-esthétique majeure depuis 40 ans) mais le procédé, qui utilise 2 pellicules 70mm défilant en largeur sur 15 perforations, est trop spécifique et onéreux, bien que pour l’instant rentable : en 3 jours de Beowulf, 84 salles Imax ont engrangé 3.6millions $.

La cause est entendue, le relief sera donc numérique
La dispersion est plus grande pour les lunettes, avec 3 filières classiques. Avec son Zscreen, ReaID utilise la bonne vieille polarisation. Lunettes passives peu onéreuses mais écran métallisé obligatoire et polariseur actif sur le projecteur. Grâce à une polarisation circulaire l’inclinaison de la tête de l’observateur est indifférente, ce qui est un progrès.
NuVision utilise des lunettes à occultation pilotées par infrarouge, plus chères, mais l’écran est normal, le projecteur non modifié. Peut être le meilleur rapport simplicité/prix, surtout si l’on arrive à une production de masse des lunettes.
Infitec, choisi par Dolby, utilise une forme très raffinée des anaglyphes (sélection par la couleur, vous vous souvenez des lunettes rouge et cyan ?), avec des couleurs primaires légèrement transposées entre gauche et droite et des lunettes interférométriques trichromes à bande passante très étroite… chères, comme le dispositif à ajouter au projecteur. L’écran est normal.

Cette concurrence des procédés est un frein qui ne concerne que l’exploitation. En France, où le parc de salles numériques 3 D est encore faible, Beowulf est exploité en Dolby, il l’est en RealD, Imax et Dolby aux USA : au niveau de la production, tout film stéréoscopique est potentiellement exploitable sur chaque procédé.
Le surcoût du relief en prise de vue réelle est estimé à 10% au tournage, à 30% pour les effets spéciaux.
Tout film d’animation en 3D existant peut être facilement recalculé pour ajouter un point de vue décalé de 65mm, pour un coût sans commune mesure avec la production initiale. Les films des années 50 peuvent ressusciter : le 13 novembre à Los Angeles, l’Academy of Motion picture présentait la version 3D restaurée par Post Logic de Hondo (John Farrow, 1953), western avec John Wayne. Le film avait été vu au 60ème Festival de Cannes.
Après la colorisation, on parle déjà de la conversion 3D de grands classiques. Dans ce contexte, une déferlante du cinéma en relief est plausible. Pas seulement du cinéma : Le groupe U2 en concert a été filmé en relief par Catherine Owens et Mark Pellington et le film est attendu pour le premier trimestre 2008, avec une exploitation en RealD, Dolby et Imax.

Rien n’empêche de concevoir des transmissions d’événements en direct 3D : une coupe de football, des jeux olympiques ou, pourquoi pas, un office religieux en relief sur écran géant et en 7.1 (après tout, Billy Graham a bien utilisé le Todd AO pour faire de la propagande religieuse, on peut s’attendre à tout), cela peut constituer une ressource non négligeable pour les exploitants et contrecarrer le petit - plus si petit - écran. Sans oublier le porno, toujours à l’affût des nouveautés…et où l’idée du relief est assez pertinente !

Reste à trouver une justification esthétique ou dramatique au relief. Dial M for Murder d’Hitchcock a été exploité sans problème à plat alors qu’il a été tourné en relief, mais l’immense majorité des films en 3D ne présente pas d’intérêt suffisant pour connaître une exploitation classique. Sans compter le fait que la stéréoscopie ne nous semble réaliste que si l’écartement des objectifs de prise de vue correspond à l’écartement de nos yeux… or nous avons tous un écart inter-pupillaire différent ! Si les objectifs sont plus écartés –cas courant en prise de vue réelle en Imax3D- les personnages semblent plus petits que nature et le relief accentué. Le problème est moins sensible avec les films en image de synthèse, où nous n’avons pas de référence réelle et où nous entrons volontiers dans une logique spatiale synthétique. C’est pour cela que l’essentiel des films en relief attendus est constitué de films d’animation.

Alors que Blu ray et HD-DVD s’insinuent dans nos salons, le cinéma reprend l’initiative du grand spectacle. Pour longtemps ? Pas si sûr : des procédés de TVHD en relief, domestique et sans lunettes (Sensio canadien, Alioscopie français) se profilent déjà...



Auteur: Guy-Louis Mier
Date de publication: 03/02/2008
Dernière révision: 03/02/2008