Mosfilm
Les origines de Mosfilm
Au début du 20ème siècle, le cinéma, déjà en plein essor en Europe de l'Ouest et aux Etats-Unis, n'est en Russie qu'au stade des premiers balbutiements. La plupart des films consommés à Moscou viennent de France, d'Italie ou d'Allemagne. Ceci n'empêche pas quelques producteurs locaux de tourner des films sur place. Dans les années 1910, Joseph Ermoliev et Alexandre Khanzhonkov bâtissent des studios sur les collines de Vorobyev, à quelques kilomètres du centre-ville de Moscou.
La révolution de 1917 entraîne la nationalisation progressive de toutes les entreprises russes, y compris celle des deux studios qui deviennent propriété d'Etat en 1920. Deux ans plus tard, ils sont regroupés au sein du département d'Etat à la production cinématographique, le Goskino. En 1924, la nouvelle structure accouche de ses premiers films dont Stachka (La grève), qui lance la carrière du réalisateur Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein. Pendant 10 ans, le Goskino connaît une véritable effervescence créatrice en produisant les uvres de cinéastes d'avant-garde, parmi lesquels Eisenstein (Stachka, Bronenosets Potemkine, Oktyabr), Boris Mikhine ou encore Dziga Vertov (Shagay sovjet !). Le cinéma russe commence à se faire connaître à l'étranger et apparaît comme un des plus novateurs de son époque. La théorie du montage des attractions d'Eisenstein, ou celle du cinéma-il de Vertov, influencent considérablement la création cinématographique en occident. Lorsqu'en 1935 le studio d'Etat adopte son nom actuel de Mosfilm, la situation a bien changé
L'ère stalinienne
Maître absolu de l'URSS depuis 1929, le secrétaire général du PC Joseph Staline entreprend une normalisation de l'art qui passe par le respect absolu du réalisme et le culte du " héros positif " qui guide la masse dans son combat pour le socialisme. Le Goskino est vite nettoyé de ses cinéastes trop " expérimentaux " : Vertov doit rejoindre les studios ukrainiens VUFKU dès 1929, Eisenstein s'expatrie aux Etats-Unis l'année suivante. Dans les années 30, le Goskino rebaptisé Mosfilm ne produit que des films de propagande à la gloire du régime et de son leader infaillible. Au milieu d'une production sans originalité, quelques chefs-d'uvre surnagent, comme Alexandre Nevski, réalisé en 1938 par un Eisenstein revenu des Etats-Unis la queue basse et fraîchement converti au " réalisme socialiste ". La deuxième guerre mondiale vient renforcer cette tendance. Mosfilm devient une machine à produire des films de guerre ou d'espionnage ultranationalistes et manichéens qui exhortent le peuple soviétique à se saigner aux quatre veines pour la patrie. Tout cinéaste qui cherche à s'éloigner de la ligne est banni. Même Eisenstein en fait la cruelle expérience : son deuxième volet d'Ivan Grozhny (Ivan le Terrible, 1948) est censuré, ce qui provoque chez le cinéaste une attaque cardiaque. Sa mort, un an après le tournage du film, plonge Mosfilm dans la désolation. Son dernier grand réalisateur n'est plus, ceux qui restent se contentent de servir l'idéologie stalinienne avec des films de propagande, comme Mikhaïl Kalatozov avec Zagovor Obreshyonnikh (Le complot des vaincus, 1950) ou Mikhaïl Romm avec Sekretnaja Missjia (Mission secrète, 1950). Pour l'anecdote, c'est sous Staline, plus précisément en 1947, que Mosfilm adopte son célèbre logo composé d'un ouvrier et d'une paysanne statufiés dans leur élan.
Entre dégel et glaciation
La mort de Staline en 1953 permet à Mosfilm de retrouver une certaine liberté de ton. Romm et Kalatozov peuvent signer des films plus personnels, tandis que le studio recrute de jeunes réalisateurs qui prennent beaucoup de liberté avec le réalisme socialiste. Andreï Tarkovski, Andreï Konchalovsky, Grigori Chukhrai font tous leurs débuts chez Mosfilm entre 1955 et 1965. Le talent de ces auteurs rend au studio un peu de son lustre passé : Letyat Zhuravli (Quand passent les cigognes) de Kalatozov décroche la Palme d'Or du Festival de Cannes en 1958, Ivanovo destvo (L'enfance d'Ivan) de Tarkovski remporte le Lion d'Or à Venise en 1962. Cette bouffée créative est hélas de courte durée. Dès 1964 l'arrivée de Brejnev au pouvoir provoque un retour en force du réalisme socialiste dans la culture soviétique. L'Etat, via Mosfilm, impose aux réalisateurs des cahiers des charges de plus en plus stricts, la censure se fait tatillonne. La production cinématographique chute à la fois en qualité et en quantité. Malgré les brimades en tout genre, quelques cinéastes de la nouvelle génération parviennent encore à produire des films originaux mais éprouvent les pires difficultés à les faire distribuer : Zerkalo (Le miroir, 1974) et Andreï Roublev de Tarkovski ne sont diffusés que dans quelques salles moscovites, Agonija (1975) d'Elim Klimov est condamné à rester dans les cartons. Comme dans les années 40, Mosfilm doit se rabattre vers des films consensuels qui flattent l'orgueil national russe, ainsi Sibiriada (Sibériade, 1978) d'Andreï Konchalovsky. Lassé des contraintes idéologiques et esthétiques, ce dernier finit par s'exiler aux Etats-Unis au début des années 80. Andreï Tarkovski choisit lui aussi de quitter sa patrie : il tourne Nostalghia en Italie (1983), Le sacrifice (1985) en Suède et s'installe en France début 1986. En URSS le carcan imposé aux auteurs est cependant moins rude qu'à l'époque de Staline. Quelques films de qualité sortent encore des studios Mosfilm (Voskhozhdeniye de Larisa Chepitko remporte l'Ours d'Or à Berlin en 1977), qui s'ouvrent même ponctuellement à des auteurs étrangers : c'est sous la houlette de la firme moscovite que Akira Kurosawa en personne relance sa carrière en 1975 avec Dersou Ouzala.
Le défi de la libéralisation
L'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 et le lancement de la perestroïka donnent tout d'abord un nouvel élan à Mosfilm. Le studio peut enfin sortir la plupart des films censurés sous Brejnev, dont Agonija d'Elim Klimov et Tema de Gleb Panfilov (tourné en 1979, il remporte l'Ours d'Or à Berlin en 1987). Ces deux auteurs sont d'ailleurs les fers de lance de Mosfilm dans les années 80, les autres étant morts (Tarkovski décède en 1986) ou partis ailleurs (Konchalovsky aux Etats-Unis). A leurs côtés de nouveaux auteurs se révèlent, comme Karen Shakhnazarov. Si de grosses productions comme Boris Godounov (Sergueï Bondartchouk, 1986) entretiennent l'illusion de l'abondance, la réalité est toute autre : Mosfilm souffre de plus en plus de la concurrence, celle du grand rival Lenfilm mais aussi des studios indépendants qui se multiplient à partir de 1985, sans parler de l'entrée progressive des films étrangers sur le marché soviétique.
Le démantèlement de l'URSS en 1991 et la fin du système socialiste plongent le cinéma russe dans le chaos. Mosfilm, brutalement privé des subventions de l'Etat et soumis à la concurrence du marché international dominé par Hollywood, voit sa production s'effondrer et se retrouve au bord de la faillite. Les années 90 sont une décennie noire, durant laquelle le grand studio moscovite tourne au ralenti. Les années 2000 marquent cependant un renouveau. Le gouvernement de Vladimir Poutine, soucieux de restaurer le prestige du cinéma russe, mise beaucoup sur Mosfilm. Grâce aux aides de l'Etat et aux partenariats avec l'étranger, la firme se redresse peu à peu, sans retrouver toutefois sa position de l'ère soviétique. Elle produit environ 50 films par an à la fois pour le cinéma, la vidéo et la télévision, tout en contrôlant intégralement le processus de développement, de l'écriture du scénario jusqu'à la distribution. Avec ses 13000m2 de plateau, ses propres ateliers de confection, de décoration et d'effets spéciaux, son armée de techniciens, Mosfilm est toujours un géant du cinéma qui rappelle les majors hollywoodiennes des années 50.
Mosfilm en DVD
En incluant la période Goskino, Mosfilm a produit près de 2500 films en 80 ans. Si l'on retire à ce chiffre les uvres perdues, détruites, corrompues, censurées, on se rend compte que seule une toute petite partie de ce formidable patrimoine est aujourd'hui accessible en occident. Dans le format DVD, la distribution internationale est assurée par Ruscico dont voici le catalogue francophone :
Titre |
Réalisateur |
Année d'édition |
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Elem Klimov |
1985 |
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Nikita Mikhalkov |
1974 |
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Andréï Tarkovski |
1966 |
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Alexandre Zarkhi |
1967 |
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Grigori Tchoukhraï |
1959 |
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Alexandre Ptouchko |
1964 |
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Alexandre Ptouchko |
1966 |
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Edmond Keossaïan |
1971 |
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Akira Kurosawa |
1975 |
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Serguéi Bondartchouk |
1959 |
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Evguéni Karélov |
1968 |
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Andréi Tarkovski |
1962 |
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Alexandre Mitta |
1980 |
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Nikita Mikhalkov |
1975 |
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Eldar Riazanov |
1982 |
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Alexandre Ptouchko |
1959 |
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?lexandre Sérov |
1971 |
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Serguéi Bondartchouk |
1967 |
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Edmond Kéossaïan |
1966 |
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Eldar Riazanov |
1975 |
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Leonide Gaïdaï |
1973 |
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Guéorgui Danélia |
1979 |
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Guéorgui Danéliya |
1977 |
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Andréi Tarkovski |
1974 |
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Émile Lotianu |
1978 |
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Vladimir Menchov |
1979 |
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Andréi Mikhaikov-Kontchalovski |
1969 |
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Edmond Kéossaïan |
1968 |
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Léonide Gaïdaï |
1971 |
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Mikhaïl Kalatozov |
1957 |
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Nikita Mikhalkov |
1979 |
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Eldar Riazanov |
1984 |
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Alexandre Ptouchko |
1972 |
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Alexandre Ptouchko |
1952 |
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Andréi Mikhaikov-Kontchaiovski |
1978 |
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Andréi Tarkovski |
1972 |
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Vladimir Motyl |
1969 |
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Andréi Tarkovski |
1979 |
||
Andréi Tarkovski |
1979 |
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Igor Talankine |
1969 |
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Émile Lotianu |
1976 |
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Alexandre Prochkine |
1988 |
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Léonide Galdaï |
1968 |
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Constantin Ierchov Et |
1967 |
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Alexandre Ptouchko |
1961 |
En France, la société Film Sans Frontières de Galshka Moravioff a également édité en DVD l'intégrale des uvres de Tarkovski et d'Eisenstein, ainsi que Agonija d'Elim Klimov et Ironiya sudby (L'ironie du sort) d'Eldar Ryazanov.