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Cannon Group

Dossier
Pendant la décennie 1980, Cannon fut la référence absolue en matière de films d'action bon marché. Face aux majors hollywoodiennes, Cannon a su démontrer qu'une compagnie indépendante pouvait être viable et même tenir la dragée haute aux poids lourds de la profession. Le souvenir de cette défunte société reste lié aux noms de ses dirigeants hauts en couleurs, Menahem Golan et Yoram Globus, de ses acteurs vedettes, Chuck Norris ou Michael Dudikoff, et de ses innombrables blockbusters parmi lesquels Missing in Action, American Ninja ou Delta Force. Il y a à peine quinze ans, Cannon était partout : au cinéma, à la télévision, dans les vidéo-clubs via sa filiale Vestron. Aujourd'hui, il n'en reste plus rien. Comment un tel empire a-t-il pu surgir de nulle part, puis s'effondrer aussi vite qu'il était apparu? Pour comprendre ce phénomène, il faut se replonger dans une autre époque, les années 1980…


Au commencement
Tout part de Menahem Golan, modeste cinéaste israélien. En 1979, il décide de s'exiler aux Etats-Unis avec son cousin Yoram Globus et rachète la compagnie indépendante Cannon. Son but est d'en faire un empire cinématographique capable de battre les majors hollywoodiennes (MGM, Warner, Paramount) sur leur propre terrain, celui du divertissement. Problème : Golan et Globus n'ont pas un sou. Pour que leur grand projet se réalise, il leur faut gagner de l'argent, et vite. Les premiers films de la Cannon seront réalisés dans cet objectif : coûter le moins cher possible pour être le plus rentable possible. Golan décrète de lui-même qu'aucun film sortant de ses studios ne devra coûter plus de 5 millions de dollars. Afin d'économiser sur la mise initiale, Golan et Globus ont recours à divers stratagèmes : vendre les droits sur les produits dérivés ou l'exploitation vidéo avant même le tournage du film, réaliser les films eux-mêmes, utiliser des acteurs inconnus salariés par la firme (Michael Dudikoff)… De 1980 à 1983, Cannon ne produit que des série Z (la série des Ninja avec Sho Kosugi, Hercule avec Lou Ferigno, le deuxième volet du justicier dans la ville…) mais rentre largement dans ses frais. Tout change en 1984 avec le sortie de Missing in Action.


Grandeur et misère de la Cannon
1984 : Missing in Action de Joseph Zito, avec Chuck Norris, casse la baraque au guichet américain et, grande nouveauté pour un film Cannon, s'exporte plutôt bien. Désormais, finie la série Z : Golan et Globus ont enfin les moyens financiers pour voir grand. De 1985 à 1987, la Cannon connaît son âge d'or. En marge des films d'action à petit budget destinés à assurer l'ordinaire (la série des American Ninja, Invasion USA, Delta Force), des projets plus ambitieux voient le jour. C'est le temps des stars (payées au prorata des recettes pour économiser sur le cachet) comme Chuck Norris, Sylvester Stallone, et même Placido Domingo pour le Othello de Franco Zeffirelli, sans parler des films d'auteurs et des superproductions. Golan et Globus ouvrent un département "fantastique" qu'ils confient à Tobe Hooper, récemment débauché de la MGM, signent Konchalovsky, Zeffirelli, Altman et Godard pour donner un peu de cachet au catalogue et casser l'image "sous-produits" des films Cannon, se payent les droits d'adaptation de Spiderman (qui ne verra jamais le jour - voir plus bas), créent une filiale vidéo (Vestron) et même une chaîne de cinémas en Californie. En 1987, Cannon est à la veille d'être considérée comme une "Major".
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Tout s'effondre comme un château de cartes en quelques mois. Avec une gestion sur le fil du rasoir comme celle de Golan, la société est menacée de faillite au moindre échec. Une série de mauvaises opérations financières la met sur la paille en moins d'un an : les départements "auteurs" et "fantastique" accumulent les échecs, la chaîne de cinéma est un gouffre financier, les placements hasardeux de Golan font fondre les réserves à toute allure. L’année 1987 est marquée par les échecs consécutifs de plusieurs projets ambitieux : King Lear de Godard (présenté au festival de Cannes), Superman IV et l’adaptation du dessin animé Les maîtres de l’univers. Le tout débouche sur une véritable crise financière : Vestron est vendue, la chaîne de cinéma liquidée, Tobe Hooper viré, le département "auteurs" fermé. Durant les trois dernières années de son existence, Cannon revient à une politique d'austérité qui rappelle celle du début des années 1980. Elle ne disparaît pas des écrans pour autant : deux autres volets de American Ninja, quelques polars avec Chuck Norris, toujours fidèle au poste, et des films de karaté qui contribueront à révéler une nouvelle star, Jean-Claude Van Damme.
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Bref la Cannon survit mais on est loin de la folie des années 85-86. Fin 1989 Menahem Golan quitte Cannon pour la MGM avant de fonder sa propre compagnie, 21st Century, tandis crée que Globus crée Global Pictures. Privée de ses deux piliers la compagnie vivote jusqu’en 1993, le temps de pondre (entre autres !) un America Ninja V et Delta Force 3 avant de disparaître corps et bien.


L'affaire Spiderman
Pour mieux comprendre la place de la Cannon dans le cinéma américain, et surtout le rôle joué par son principal producteur, Menahem Golan, il est intéressant de revenir sur une affaire mal connue qui a mis Hollywood en ébullition pendant une bonne partie des années 1990. Petit retour en arrière : en 1993, une rumeur insistante circule, selon laquelle James Cameron s'apprêterait à tourner une adaptation au cinéma de Spiderman, la célèbre bande dessinée de Marvel. On parle de Michael Biehn (l'acteur fétiche de Cameron depuis Terminator) dans le rôle principal, des gadgets et des T-Shirts sont mis en vente, bref c'est sûr, Spiderman arrive. Et puis, plus rien. L'adaptation tendue sortira finalement en 2002, avec Sam Raimi derrière la caméra et Tobey MacGuire dans le rôle de Peter Parker. Pourquoi un tel retournement de situation ? Que s'est-il passé entre-temps ?
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En fait, Menahem Golan avait racheté les droits de Spiderman à Marvel dès 1985 et devait en produire une adaptation pour la Cannon, sans doute réalisée par Tobe Hooper. Les soucis financiers de la Cannon puis sa faillite ont contribué à enterrer le projet mais après 1990, Golan conserve les droits sur Spiderman à titre personnel. En 1992, il les cède à Carolco (autre firme mythique dirigée par le tandem Mario Kassar / Andrew Vajna), qui doit produire l'adaptation de James Cameron, mais à une condition : celle d'être crédité au générique comme producteur. Kassar et Vajna acceptent, Cameron commence à tourner puis annonce brusquement que jamais il ne laissera le nom de Golan (alors synonyme de cinéma commercial bas de gamme) figurer au générique de son film. Golan attaque Carolco en justice et le tournage doit s'arrêter. Fin 1995, Carolco, Golan et Marvel font faillite et Spiderman est prudemment rangé dans un placard. L'affaire rebondit quand Sony rachète Marvel et annonce qu'elle veut tourner une adaptation de Spiderman dirigée cette fois par Sam Raimi. La firme est alors attaquée sur tous les fronts : par Golan, une fois de plus, par Kassar et Vajna en vertu de l'accord signé en 1992 avec Golan, et même par Paramount à qui Golan avait vendu les droits vidéo à l'époque où il pensait produire le Spiderman de Tobe Hooper. Il faudra une bataille judiciaire de six ans pour que Sony déboute tout le monde et que Spiderman sorte enfin sur les écrans. Dans cet imbroglio, on relèvera la capacité de Cannon à se mêler au jeu hollywoodien pour y semer le trouble, ce qui a toujours été l'ambition première de Menahem Golan.


Pour conclure
Le tandem Golan-Globus a toujours cherché à imiter Hollywood, sans jamais arriver à la cheville de ses productions. Les films Cannon ont tous un arrière-goût de contrefaçon : Rambo du pauvre (Missing in Action), Indiana Jones du pauvre (la série des Allan Quatermain), Spielberg du pauvre (les films de Tobe Hooper), Inspecteur Harry du pauvre (Cobra)… C'est paradoxalement ce côté bricolé, un peu canaille, qui donne du cachet aux productions Cannon.
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L'esprit Cannon survit à travers des aventures comme celles de New Line Cinema (même si la société est passée sous le contrôle de Warner depuis 1993), C2 (nouvel avatar de Carolco créé par Mario Kassar et Andrew Vajna) ou en France la société Europa Corp de Luc Besson. Des investisseurs israéliens ont même brièvement lancé une « New Cannon » au début des années 2000. Aujourd’hui rebaptisée « New Generation Films », cette compagnie a les plus grandes difficultés pour percer sur le marché international. Tout cela n'a plus grand-chose à voir avec la compagnie qui faillit devenir la "septième major" en 1987...


En format DVD
Le catalogue de Cannon Group appartient essentiellement à la MGM. Voici un bref aperçu de ce catalogue (* : indique la disponibilité en format DVD):

Enter the ninja (Menahem Golan, 1981)
Death Wish 2 (Michael Winner, 1982)*
Sette magnifici gladiatori (Bruno Mattei, 1983)
Hercules (Luigi Cozzi, 1983)
Revenge of the ninja (Sam Firstenberg, 1983)
Exterminator 2 (Mark Buntzmann, 1984)
Love streams (John Cassavetes, 1984)
Ninja III (Sam Firstenberg, 1984)
Missing in action (Joseph Zito, 1984)*
Hercules 2 (Luigi Cozzi, 1985)
King Solomon' mines (Jack Lee Thompson, 1985)*
Life Force (Tobe Hooper, 1985)*
Death Wish 3 (Jack Lee Thompson, 1985)
Invasion USA (Joseph Zito, 1985)*
American Ninja (Sam Firstenberg, 1985)*
Invaders from Mars (Tobe Hooper, 1986)
Firewalker (Jack Lee Thompson, 1986)
Missing in Action II (Lance Hool, 1986)*
Delta Force (Menahem Golan, 1986)*
Fool for love (Robert Altman, 1986)
Othello (Franco Zeffirelli, 1986)
Avenging force (Sam Firstenberg, 1986)
Cobra - en collaboration avec Warner Bros (George Pan Cosmatos, 1986)
Texas Chainsaw Massacre II (Tobe Hooper, 1987)*
Over the top (Menahem Golan, 1987)
Shy people (Andréï Konchalovsky, 1987)
Allan Quatermain and the lost city of gold (Gary Nelson, 1987)*
Masters of the universe (Gary Goddard, 1987)*
Superman IV (Sydney J.Furie, 1987)*
Missing in Action III (Aaron Norris, 1987)*
American Ninja II (Sam Firstenberg, 1987)*
Street smart (Jerry Schatzberg, 1987)
King Lear (Jean-Luc Godard, 1987)
52 Pick-up (John Frankenheimer, 1987)
Bernadette (Jean Delannoy, 1987)*
Bloodsport (Newt Arnold, 1988)*
Hero and the Terror (William Tannen, 1988)
Cyborg (Albert Pyun, 1989)*
American Ninja III (Cedric Sundström, 1989)*
Delta Force II (Menahem Golan, 1990)*
American Ninja IV (Cedric Sundström, 1990)
Human shield (Ted Post, 1991)
Delta Force 3 (Sam Firstenberg, 1991)
American Ninja V (Bobby Jean Leonard, 1992)*



Filmographie plus que sélective, bien sûr, puisque pour la seule année 1986 la Cannon a produit et distribué pas moins de 43 films !
Auteur: Sébastien Bouché
Date de publication: 19/04/2004
Dernière révision: 23/12/2007