Maltese Falcon (The Three Disc Special Edition)

Critique
Synopsis/présentation
Commençons par le commencement et abordons dabord la première adaptation du roman de Dashiell Hammett, « The Maltese Falcon » de Roy Del Ruth en 1931.
Il sagit dune uvre que lon sent dés le début un peu trop rigide dans sa mise en scène mais qui surprend dentrée par le ton désinvolte et léger de Ricardo Cortez dans le role de Samuel Spade. Le film ayant été tourné en même temps que la mise en place du Code de censure Hays, laspect hautement sexuel du roman de Hammett est au cur des préoccupations de Del Ruth. Cest dailleurs en cela que le film est le plus intéressant puisque la tension sexuelle est quasi constante et le moteur de presque toutes les actions des personnages. Cortez compose un Spade certes crédible en tant que bourreau des curs et détective privé mais il manque de lapreté et du cynisme quoffrira Bogart au personnage 10 ans plus tard et conformément à la façon dont Hammette lavait écrit. Pour bien mesurer limpact du Code Hays et en mettant de côté les partis pris des réalisateurs (Del Ruth et Huston) il suffit de voir comment en dix ans cette mission de censure à réussit à presque totalement réprimer les allusions directes à la sexualité dans le cinéma américain. Ainsi Del Ruth ne sembarasse jamais de gants pour aborder frontalement les désirs presque frénétiques de ses deux héros souvent lascivement représentés et nadoucit cette moiteur que par une orientation clairement comique et « playboy tombeur de ces dames » de Spade qui laméne parfois à un certain ridicule cassant involontairement limage du personnage (son pyjama a gros pois !!). Cependant malgré sa raideur, son parti-pris léger, le film de Del Ruth est loin dêtre déshonorant et se suit avec intérêt tout le long, collant de très prés à lintrigue du roman de façon relativement efficace.
Voilà une uvre qui vaut bien mieux que sa piètre réputation et ne doit son oubli presque complet qua génie de Huston.
Car il est de suite évident que ce nest pas la grosse farce ratée quest « Satan met a lady » de William Diterle en 1936 qui pourra faire de lombre au film de Huston. En effet, Diterle qui est loin dêtre un réalisateur inintéressant (The Hunchback of Notre Dame, 1939 ou The Portrait of Jennie, 1948) a choisi ici une direction hautement risquée pour adapter un roman certes bourré dhumour mais également aussi noir, apre et cynique que lest The Maltese Falcon. La voie de la franche comédie, à la limite de labsurde tant les situations sont quasiement toujours forcées et jamais vraiment amusantes nétait de façon évidente pas celle à choisir. Del Ruth avait choisi une certaine légèreté mais avait su la contrebalancer alors Diterle se jette à corps perdu dans la gaudriole pas drole. Malgré des acteurs de renom (Bette Davis, Warren William) et une direction artistique plutôt réussie, voici un film qui jamais ne séduit ni nintéresse, ce qui semble un comble avec un tel matériau de départ.
Fort heureusement, pour ne pas dire quasi miraculeusement la Warner décida de donner une troisiéme chance au roman de Hammett et ce malgré les (relatifs) échecs quen furent ses deux précédentes adaptations. Cette fois le studio décida de donner sa chance à un jeune scénariste pour son premier film, étant confiant dans son talent, investissant une somme minimale et sachant lintrigue du roman très solide et éminement cinématographique.
Huston se jeta avec passion dans la réalisation de ce film accompagné dans laventure dun Huphrey Bogart très heureux de se voir proposer pour la seconde fois de sa pourtant longue carrière un role principal des plus passionnants.
Cest ainsi que vont naitre trois véritables légendes hollywoodiennes de premier plan qui vont chacune à leur façon marquer de leur empreinte le cinéma américain.
Pour beaucoup dhistoriens du cinéma, cette version de The Maltese Falcon est le premier Film Noir officiel. Dautres uvres en avait auparavant montré de nombreux signes ostentatoires (et il ne sagit pas ici de jouer à la querelle de spécialiste), mais aucune navait jusque la été à la fois le point de départ et la quintessence dun style (plus quun genre) qui allait devenir primordial dans les années qui suivirent à Hollywood. On peut ainsi sans exagération affirmer que The Maltese Falcon fut le point de départ dune révolution esthétique et thématique absolument capitale dans lhistoire du cinéma américain. La superbe photographie dArthur Edeson, qui sera donc lun des premiers à amorcer un retour vers le style de lexpressionisme allemand tout en le transposant dans lunivers moderne américain, va marquer ainsi de façon indélébile le sens visuel de nombreux de ses collègues. La noirceur, les contrastes mais aussi le clair-obscur seront donc les thémes centraux de lhistoire aussi bien que du travail de caméra ou de lidentité visuelle de luvre. Toute lapreté de la vie moderne amplifiée a travers le prisme de lenquête dun détective privé, surtout un personnage aussi ambiguë celui de Samuel Spade, anti-héros dont les « mauvais côtés » sont clairement aussi prononcés que les bons se trouve traitée dans The Maltese Falcon. De même, la ville sale et humide comme lieu de tous les dangers prend une tournure presque aussi menaçante que les lieux les plus exotiques.
Comment également ne pas être vraiment impressionné devant la naissance dun immense cinéaste, un jeune John Huston qui sidére par la maitrise et laisance dont il fait preuve lors de sa première réalisation, surtout lorsque lon connaît la carrière qui lattend. Presque toutes ses thématiques se trouvent déjà présentent dans cette histoire et cette uvre peut clairement apparaître comme une matrice de son univers à venir, notamment sa passion pour léchec de ses personnages qui est ici flagrant puisque même si Spade sest finalement tiré daffaire il à perdu la femme quil aime, elle a perdu son butin comme sa liberté ainsi que lhomme quelle aime sans parler des « truands » qui après 7 ans de traque sont repartis à leur point de départ.
Son humour très noir est proche de celui de Spade dont les dialogues brillants sont superbement mis en valeur par les acteurs en dépit de ce que les producteurs redoutaient du fait en autre du débit de parole très rapide de Bogart. Mais ces dialogues réalistes ont été écrits pour être joués comme cela et encore une fois le mérite revient à Huston davoir su trouver un casting aussi parfait pour chaque personnage. Ainsi lhumour et le second degrés sont très présents et compensent en grande partie labsence de tension sexuelle que le fameux code hays obligea à purement et simplement supprimer de luvre.
Mais comme toujours les rêgles contraignantes poussent les cinéastes à se surpasser en terme dinventivité et Huston glissera plusieurs allusions bien senties dissimulées dans un second degrés des plus réjouissants de par sa modernité.
De même sur le plan de la pure mise en scène, lidée géniale de Huston fut de faire un film à la première personne ou toutes les actions (ou presque) sont vues à travers le prisme Spade. Jamais le spectateur nen saura plus que lui et sa maitrise technique assez incroyable pour un débutant (qui avait du être bien attentif sur les tournages auxquels il avait participé en tant que scénariste notamment avec Howard Hawks, Sir Carol Reed, William Wyler ou William Dieterle) lui permet de signer une mise en scène extrémement précise et fluide malgré des décors exigus et un grand nombre de personnages. Ainsi toute impression de voir du théatre filmé et totalement évacué notamment aussi grace à un montage maitrisé et parfois surprenant.
Enfin le dernier apport majeur du film fut lexplosion dHumphrey Bogart qui passa du stade de second couteau routinier des roles de malfrat dans les films de gangster de la Warner à celui dicône du 7éme art en lespace de deux films.
Son role dans High Sierra lui permit dexprimer enfin létendue de son talent jusqu'alors confiné dans rôles clichés, et de démontrer quil était capable de faire passer énormément démotion mais aussi dimposer un charisme exceptionnel, équivalent voire même supérieur à celui de ses principaux rivaux de lépoque (Paul Muni, Edward G Robinson ou James Cagney).
Mais cest réllement dans The Maltese Falcon ou son personnage de Sam Spade est littéralement le cur du film, présent dans presque toutes les scénes quil incarnera à la perfection son personnage, comme lon dit, il EST Sam Spade et il paraît impossible de voir un autre acteur même aussi talentueux que lui dans le rôle.
Mais en dehors de ce charisme magnétique et de cette adéquation à son personnage cest bel et bien dans sa capacité à faire passer une quantité démotions différentes sur son visage mais aussi dans son attitude corporelle que Bogart étonne. De même la subtilité et le naturel dont il fait preuve tout au long du film est admirable. Nous savons tous depuis le véritable mythe quest devenu cet acteur qui à dépassé le simple stade de sa profession pour se hisser au rang dicône.
Si lon ajoute à toutes ces qualités précitées une alchimie assez incroyable entre tous les acteurs qui fait dailleurs que Sydney Greenstreet et Peter Lorre reviendrons plusieurs fois aux côtés de Bogart pour le même type de trio que dans The Maltese Falcon. Quand à Mary Astor, elle est tout simplement parfaite en femme fatale qui manipule comme elle respire et joue à la perfection les victimes apeurées. Sa prestation est dautant plus marquante que dans sa vraie vie lactrice était elle même une « mangeuse dhomme » qui défraya très souvent la chronique.
La conception et le tournage du film sont entourés eux aussi de beaucoup de mystére et de légende comme les affectionne profondément le malin et facétieux Huston. Il fut dailleurs assez intelligent pour faire en sorte que ces légendes soient suffisamment étonnantes pour devenir célèbres tout en restant crédibles car son caractère imprévisible et sa vie pour le moins originale (il fut boxeur, révolutionnaire dans larmée de Pancho Villa et bien dautres) len rendaient totalement capable. Ainsi il est prétendu quen tant scénario il demanda à sa secrétaire de taper le roman dHammett sous forme de scénario et le fit envoyer tel quel à la production qui adora ou bien quil faisait courir Mary Astor autour du plateau jusqu'à la limite de lépuisement avant ses prises de façon à ce quelle ait lair essouflée et apeurée.
Ce genre de légende autour du film est en parfaite osmose avec son sujet et ce nest pas un hasard si lapport de Huston aux dialogues est resté le plus célèbre est lui aussi parfaitement placé dans le film et en adéquation parfaite avec la fascination quil exerce toujours sur ses spectateurs : « This the stuff dreams are made of ! »
Nous avons bien conscience dêtre totalement dythitrambique dans cette chronique mais cette uvre mérite vraiment tous ses superlatifs à nos yeux et si vous ne lavez pas encore découverte nous ne pouvons que vous inviter à vous ruer sur cette édition formidable et embarquer vous aussi pour le monde du rêve cinématographique hollywoodien dans une de ses expressions les plus pures.
Image
Limage de la version de John Huston est proposé au format respecté de 1.33:1 daprés un transfert 4:3. Il en est de même pour les deux autres films offerts en supplément.
La définition générale est absolument remarquable surtout lorsque lon prend en compte lage du film et le rendu dans ce domaine de lancienne édition.
Linterpositif est absolument immaculé, parvenant à un résultat aussi bluffant que celui que la Warner avait obtenu sur Casablanca. Aucune traits, points ou poussières ne viennent entacher le rendu impeccable et seul un peu de grain très cinéma vient éventuellement rappeler lage du film.
Le contraste est de haut niveau et évite absolument toutes les brillances.
Les scénes sombres sont formidablement rendues grace à des noirs dune profondeur étonnante même si ils manquent légèrement de pureté à une ou deux reprises. Le rendu de léchelle des gris est exceptionnel lui aussi et offre un écrin de choix à la superbe photographie dArthur Edeson.
La partie numérique est fort heureusement elle aussi exempte de tout défaut visible à lécran et ce pour notre plus grand plaisir.
Les deux autres films offerts dans ce coffret, The Maltese Falcon (1931, le plus abimé des deux) et Satan met a lady (1936) offrent tous deux une image tout à fait regardable mais entaché de nombreux défauts (nombreux traits, point et rayures / inconstance de la définition, grain très importants et fourmillements) qui nen font que plus ressortir les impressionnantes qualités du transfert du film de Huston. Etant donné la rareté de ces films et du fait quils ne sont véritablement que des suppléments nous sommes relativement satifsfait de leur rendu visuel.
Il y a fort à parier que jamais The Maltese falcon na jamais rendu aussi bien sur un écran et nous ne pouvons que féliciter chaudement la Warner pour leur travail remarquable sur cet immense classique qui ne méritait pas moins.
Son
La seule bande-son proposée (et ce sur les trois films) est en Anglais (Dolby 1.0 mono).
Sa dynamique est certes limitée mais au mieux de ce qui peut se faire pour une uvre du début des années 40. Il en est de même pour sa présence et spatialité.
La musique est impeccablement rendue malgré les évidentes limitations dans le haut comme le bas du spectre du au format monophonique et aux techniques denregistrement de lépoque.
Elle est par ailleurs parfaitement intégrée au reste de la bande-son.
Les dialogues (si primordiaux dans ce film) sont en permanence parfaitement intelligibles (et ce malgré la rapidité du débit de Bogart) et des traces de parasites ou distortions ne sont audibles que si lon pousse le son largement au dela du raisonnable, restant limitées même dans ce cas.
De façon logique, les basses fréquences sont totalement absentes mais étant donné que la bande-son fut pensée sans leur présence, elles ne font jamais défaut.
Les bandes-son des deux autres films sont de qualité nettement inférieure, montrant très régulièrement leur age mais restant toujours audibles et ne perturbant jamais le plaisir du visionnage.
Les sous-titres sont disponibles en Anglais, Français et Espagnol sur les trois films.
Même si le résultat est moins spectaculaire que pour limage, le travail de restauration entrepris par la Warner est de bonne facture. Nous ne pouvons quinciter la Warner a appliquer le même traitement à tous ses grands classiques !!
Suppléments/menus
Un ensemble complet et très intéressant qui achève de faire de cette édition un indispensable.
Sur le premier disque sont offerts un commentaire audio, et lensemble de segments intitulés Warner Night at the movies 1941.
Le commentaire audio de Eric Lax est résolument passionnant, érudit et sans aucune pauses (ou presque). Le biographe connaît son sujet par cur et à tendance à plus offrir des informations sur le casting quune « analyse » de luvre même si lorsquil sy prête il y est brillant. Ce commentaire est donc un véritable mine dinformations en tous genres, agréable à écouter mais manque quelque peut de regard critique à notre gout.
Après cela le traditionnel Warner night at the movies offre lensemble de courts segments suivant : une bande-annonce de Sergeant York, une bande de news dépoque, un court métrage musicale « The gay parisian » (20 mins), et deux dessins animés « Hiawattas rabbit hunt » et « Meet John Doughboy » .
Puis est offerte une bande-annonce de The Maltese Falcon de bonne qualité qui présente le film de façon avantageuse.
Sur le second disque sont proposés la version de 1931 de « The Maltese Falcon » réalisée par Roy Del Ruth (avec Ricardo Cortez et Bébé Daniels) ainsi que la version de 1936 intitulée « Satan met a lady » de William Detierle (avec Bette Davis et Warren William) dont nous avons déjà parlé dans la partie synopsis comme les parties techniques.
Est également disponible la bande-annonce de Satan met a lady.
Sur le troisième disque sont rassemblés un documentaire, un ensemble de bandes-annonces de films avec Humphrey Bogart, des scénes ratés de films de 1941, des essais de maquillage ainsi que trois version radiophonique de The maltese falcon.
Le nouveau documentaire intitulé « The maltese falcon : one magnifiscent bird » (32 minutes) est passionnant même si trop court et manquant dune analyse stylistique ainsi que des répercussions du film sur lensemble du cinéma américain plus poussée. Les divers intervenants sont tous visiblement fascinés par le film et en font un portrait des plus flatteurs qui frole parfois la dythirambe aveugle (même si le film mérite tous les superlatifs). Un segment de qualité qui aurait mérité une durée bien plus longue de façon à pouvoir approfondir tous les points abordés.
Vient ensuite un ensemble de bandes-annonces de films avec Humphrey Bogart (une douzaine environ) commentées intelligemment par Robert Osbourne qui sappuie sur elles pour faire une portrait de lévolution de la carrière de Bogart durant 45 mins. Il est juste dommage que ce segment ne couvre pas lintégralité de la carrière de lacteur.
Puis un curieux segment de 13 minutes rassemble des prises ratées de divers films de 1941 et si lensemble est amusant, on est en droit de se demander la raison de sa présence sur cette édition.
Son également proposées trois différentes adaptations radiophoniques de The maltese falcon, deux avec lintégralité des acteurs du film et la troisième avec Edward G Robinson dans le rôle de Sam Spade.
Pour finir de façon anecdotique sont montrés trois essais de maquillage de Mary Astor qui durent au total une minute et sans bande-son.
Voici donc un ensemble très complet qui aurait cependant gagné à être plus développé au niveau du documentaire et de lapport specifique de John Huston à la réussite magistrale quest le film. Laddition des deux autres versions du film est un plus indéniable qui permet dencore rehausser la réussite de Huston mais aussi de comparer efficacement différents traitements
Conclusion
Une édition aux qualités audio et vidéo époustouflantes qui sont complétées par dintéressants suppléments ainsi que deux précédentes adaptations cinématographiques du même roman. Nous ne pouvons que vivement recommander lachat de cette édition a tous les amoureux du film Noir et de Bogart qui trouverons la sans conteste lédition de référence dun film de légende.
The Maltese Falcon est clairement un joyau du cinéma américain ainsi quune pierre angulaire de son évolution. Les années qui passent ne rendent luvre que meilleure et plus fascinante tant est elle à été maintes fois copiée mais rarement égalée et surtout font ressortir son éclatante modernité ainsi que sa capacité rare à mêler mécanique de narration parfaitement huilée et étude de caractère passionnante et complexe. Une uvre indispensable à toute personne sintéressant de prés ou de loin au cinéma tant elle en est un vrai joyau que rien nillustre mieux que la phrase finale de Bogart (restée si célèbre à juste titre) : « This is the stuff that dreams are made of ». Ce n'est pas pour rien si on appelle aussi communément le 7éme art, "l'usine à rèves" !!
Commençons par le commencement et abordons dabord la première adaptation du roman de Dashiell Hammett, « The Maltese Falcon » de Roy Del Ruth en 1931.
Il sagit dune uvre que lon sent dés le début un peu trop rigide dans sa mise en scène mais qui surprend dentrée par le ton désinvolte et léger de Ricardo Cortez dans le role de Samuel Spade. Le film ayant été tourné en même temps que la mise en place du Code de censure Hays, laspect hautement sexuel du roman de Hammett est au cur des préoccupations de Del Ruth. Cest dailleurs en cela que le film est le plus intéressant puisque la tension sexuelle est quasi constante et le moteur de presque toutes les actions des personnages. Cortez compose un Spade certes crédible en tant que bourreau des curs et détective privé mais il manque de lapreté et du cynisme quoffrira Bogart au personnage 10 ans plus tard et conformément à la façon dont Hammette lavait écrit. Pour bien mesurer limpact du Code Hays et en mettant de côté les partis pris des réalisateurs (Del Ruth et Huston) il suffit de voir comment en dix ans cette mission de censure à réussit à presque totalement réprimer les allusions directes à la sexualité dans le cinéma américain. Ainsi Del Ruth ne sembarasse jamais de gants pour aborder frontalement les désirs presque frénétiques de ses deux héros souvent lascivement représentés et nadoucit cette moiteur que par une orientation clairement comique et « playboy tombeur de ces dames » de Spade qui laméne parfois à un certain ridicule cassant involontairement limage du personnage (son pyjama a gros pois !!). Cependant malgré sa raideur, son parti-pris léger, le film de Del Ruth est loin dêtre déshonorant et se suit avec intérêt tout le long, collant de très prés à lintrigue du roman de façon relativement efficace.
Voilà une uvre qui vaut bien mieux que sa piètre réputation et ne doit son oubli presque complet qua génie de Huston.
Car il est de suite évident que ce nest pas la grosse farce ratée quest « Satan met a lady » de William Diterle en 1936 qui pourra faire de lombre au film de Huston. En effet, Diterle qui est loin dêtre un réalisateur inintéressant (The Hunchback of Notre Dame, 1939 ou The Portrait of Jennie, 1948) a choisi ici une direction hautement risquée pour adapter un roman certes bourré dhumour mais également aussi noir, apre et cynique que lest The Maltese Falcon. La voie de la franche comédie, à la limite de labsurde tant les situations sont quasiement toujours forcées et jamais vraiment amusantes nétait de façon évidente pas celle à choisir. Del Ruth avait choisi une certaine légèreté mais avait su la contrebalancer alors Diterle se jette à corps perdu dans la gaudriole pas drole. Malgré des acteurs de renom (Bette Davis, Warren William) et une direction artistique plutôt réussie, voici un film qui jamais ne séduit ni nintéresse, ce qui semble un comble avec un tel matériau de départ.
Fort heureusement, pour ne pas dire quasi miraculeusement la Warner décida de donner une troisiéme chance au roman de Hammett et ce malgré les (relatifs) échecs quen furent ses deux précédentes adaptations. Cette fois le studio décida de donner sa chance à un jeune scénariste pour son premier film, étant confiant dans son talent, investissant une somme minimale et sachant lintrigue du roman très solide et éminement cinématographique.
Huston se jeta avec passion dans la réalisation de ce film accompagné dans laventure dun Huphrey Bogart très heureux de se voir proposer pour la seconde fois de sa pourtant longue carrière un role principal des plus passionnants.
Cest ainsi que vont naitre trois véritables légendes hollywoodiennes de premier plan qui vont chacune à leur façon marquer de leur empreinte le cinéma américain.
Pour beaucoup dhistoriens du cinéma, cette version de The Maltese Falcon est le premier Film Noir officiel. Dautres uvres en avait auparavant montré de nombreux signes ostentatoires (et il ne sagit pas ici de jouer à la querelle de spécialiste), mais aucune navait jusque la été à la fois le point de départ et la quintessence dun style (plus quun genre) qui allait devenir primordial dans les années qui suivirent à Hollywood. On peut ainsi sans exagération affirmer que The Maltese Falcon fut le point de départ dune révolution esthétique et thématique absolument capitale dans lhistoire du cinéma américain. La superbe photographie dArthur Edeson, qui sera donc lun des premiers à amorcer un retour vers le style de lexpressionisme allemand tout en le transposant dans lunivers moderne américain, va marquer ainsi de façon indélébile le sens visuel de nombreux de ses collègues. La noirceur, les contrastes mais aussi le clair-obscur seront donc les thémes centraux de lhistoire aussi bien que du travail de caméra ou de lidentité visuelle de luvre. Toute lapreté de la vie moderne amplifiée a travers le prisme de lenquête dun détective privé, surtout un personnage aussi ambiguë celui de Samuel Spade, anti-héros dont les « mauvais côtés » sont clairement aussi prononcés que les bons se trouve traitée dans The Maltese Falcon. De même, la ville sale et humide comme lieu de tous les dangers prend une tournure presque aussi menaçante que les lieux les plus exotiques.
Comment également ne pas être vraiment impressionné devant la naissance dun immense cinéaste, un jeune John Huston qui sidére par la maitrise et laisance dont il fait preuve lors de sa première réalisation, surtout lorsque lon connaît la carrière qui lattend. Presque toutes ses thématiques se trouvent déjà présentent dans cette histoire et cette uvre peut clairement apparaître comme une matrice de son univers à venir, notamment sa passion pour léchec de ses personnages qui est ici flagrant puisque même si Spade sest finalement tiré daffaire il à perdu la femme quil aime, elle a perdu son butin comme sa liberté ainsi que lhomme quelle aime sans parler des « truands » qui après 7 ans de traque sont repartis à leur point de départ.
Son humour très noir est proche de celui de Spade dont les dialogues brillants sont superbement mis en valeur par les acteurs en dépit de ce que les producteurs redoutaient du fait en autre du débit de parole très rapide de Bogart. Mais ces dialogues réalistes ont été écrits pour être joués comme cela et encore une fois le mérite revient à Huston davoir su trouver un casting aussi parfait pour chaque personnage. Ainsi lhumour et le second degrés sont très présents et compensent en grande partie labsence de tension sexuelle que le fameux code hays obligea à purement et simplement supprimer de luvre.
Mais comme toujours les rêgles contraignantes poussent les cinéastes à se surpasser en terme dinventivité et Huston glissera plusieurs allusions bien senties dissimulées dans un second degrés des plus réjouissants de par sa modernité.
De même sur le plan de la pure mise en scène, lidée géniale de Huston fut de faire un film à la première personne ou toutes les actions (ou presque) sont vues à travers le prisme Spade. Jamais le spectateur nen saura plus que lui et sa maitrise technique assez incroyable pour un débutant (qui avait du être bien attentif sur les tournages auxquels il avait participé en tant que scénariste notamment avec Howard Hawks, Sir Carol Reed, William Wyler ou William Dieterle) lui permet de signer une mise en scène extrémement précise et fluide malgré des décors exigus et un grand nombre de personnages. Ainsi toute impression de voir du théatre filmé et totalement évacué notamment aussi grace à un montage maitrisé et parfois surprenant.
Enfin le dernier apport majeur du film fut lexplosion dHumphrey Bogart qui passa du stade de second couteau routinier des roles de malfrat dans les films de gangster de la Warner à celui dicône du 7éme art en lespace de deux films.
Son role dans High Sierra lui permit dexprimer enfin létendue de son talent jusqu'alors confiné dans rôles clichés, et de démontrer quil était capable de faire passer énormément démotion mais aussi dimposer un charisme exceptionnel, équivalent voire même supérieur à celui de ses principaux rivaux de lépoque (Paul Muni, Edward G Robinson ou James Cagney).
Mais cest réllement dans The Maltese Falcon ou son personnage de Sam Spade est littéralement le cur du film, présent dans presque toutes les scénes quil incarnera à la perfection son personnage, comme lon dit, il EST Sam Spade et il paraît impossible de voir un autre acteur même aussi talentueux que lui dans le rôle.
Mais en dehors de ce charisme magnétique et de cette adéquation à son personnage cest bel et bien dans sa capacité à faire passer une quantité démotions différentes sur son visage mais aussi dans son attitude corporelle que Bogart étonne. De même la subtilité et le naturel dont il fait preuve tout au long du film est admirable. Nous savons tous depuis le véritable mythe quest devenu cet acteur qui à dépassé le simple stade de sa profession pour se hisser au rang dicône.
Si lon ajoute à toutes ces qualités précitées une alchimie assez incroyable entre tous les acteurs qui fait dailleurs que Sydney Greenstreet et Peter Lorre reviendrons plusieurs fois aux côtés de Bogart pour le même type de trio que dans The Maltese Falcon. Quand à Mary Astor, elle est tout simplement parfaite en femme fatale qui manipule comme elle respire et joue à la perfection les victimes apeurées. Sa prestation est dautant plus marquante que dans sa vraie vie lactrice était elle même une « mangeuse dhomme » qui défraya très souvent la chronique.
La conception et le tournage du film sont entourés eux aussi de beaucoup de mystére et de légende comme les affectionne profondément le malin et facétieux Huston. Il fut dailleurs assez intelligent pour faire en sorte que ces légendes soient suffisamment étonnantes pour devenir célèbres tout en restant crédibles car son caractère imprévisible et sa vie pour le moins originale (il fut boxeur, révolutionnaire dans larmée de Pancho Villa et bien dautres) len rendaient totalement capable. Ainsi il est prétendu quen tant scénario il demanda à sa secrétaire de taper le roman dHammett sous forme de scénario et le fit envoyer tel quel à la production qui adora ou bien quil faisait courir Mary Astor autour du plateau jusqu'à la limite de lépuisement avant ses prises de façon à ce quelle ait lair essouflée et apeurée.
Ce genre de légende autour du film est en parfaite osmose avec son sujet et ce nest pas un hasard si lapport de Huston aux dialogues est resté le plus célèbre est lui aussi parfaitement placé dans le film et en adéquation parfaite avec la fascination quil exerce toujours sur ses spectateurs : « This the stuff dreams are made of ! »
Nous avons bien conscience dêtre totalement dythitrambique dans cette chronique mais cette uvre mérite vraiment tous ses superlatifs à nos yeux et si vous ne lavez pas encore découverte nous ne pouvons que vous inviter à vous ruer sur cette édition formidable et embarquer vous aussi pour le monde du rêve cinématographique hollywoodien dans une de ses expressions les plus pures.
Image
Limage de la version de John Huston est proposé au format respecté de 1.33:1 daprés un transfert 4:3. Il en est de même pour les deux autres films offerts en supplément.
La définition générale est absolument remarquable surtout lorsque lon prend en compte lage du film et le rendu dans ce domaine de lancienne édition.
Linterpositif est absolument immaculé, parvenant à un résultat aussi bluffant que celui que la Warner avait obtenu sur Casablanca. Aucune traits, points ou poussières ne viennent entacher le rendu impeccable et seul un peu de grain très cinéma vient éventuellement rappeler lage du film.
Le contraste est de haut niveau et évite absolument toutes les brillances.
Les scénes sombres sont formidablement rendues grace à des noirs dune profondeur étonnante même si ils manquent légèrement de pureté à une ou deux reprises. Le rendu de léchelle des gris est exceptionnel lui aussi et offre un écrin de choix à la superbe photographie dArthur Edeson.
La partie numérique est fort heureusement elle aussi exempte de tout défaut visible à lécran et ce pour notre plus grand plaisir.
Les deux autres films offerts dans ce coffret, The Maltese Falcon (1931, le plus abimé des deux) et Satan met a lady (1936) offrent tous deux une image tout à fait regardable mais entaché de nombreux défauts (nombreux traits, point et rayures / inconstance de la définition, grain très importants et fourmillements) qui nen font que plus ressortir les impressionnantes qualités du transfert du film de Huston. Etant donné la rareté de ces films et du fait quils ne sont véritablement que des suppléments nous sommes relativement satifsfait de leur rendu visuel.
Il y a fort à parier que jamais The Maltese falcon na jamais rendu aussi bien sur un écran et nous ne pouvons que féliciter chaudement la Warner pour leur travail remarquable sur cet immense classique qui ne méritait pas moins.
Son
La seule bande-son proposée (et ce sur les trois films) est en Anglais (Dolby 1.0 mono).
Sa dynamique est certes limitée mais au mieux de ce qui peut se faire pour une uvre du début des années 40. Il en est de même pour sa présence et spatialité.
La musique est impeccablement rendue malgré les évidentes limitations dans le haut comme le bas du spectre du au format monophonique et aux techniques denregistrement de lépoque.
Elle est par ailleurs parfaitement intégrée au reste de la bande-son.
Les dialogues (si primordiaux dans ce film) sont en permanence parfaitement intelligibles (et ce malgré la rapidité du débit de Bogart) et des traces de parasites ou distortions ne sont audibles que si lon pousse le son largement au dela du raisonnable, restant limitées même dans ce cas.
De façon logique, les basses fréquences sont totalement absentes mais étant donné que la bande-son fut pensée sans leur présence, elles ne font jamais défaut.
Les bandes-son des deux autres films sont de qualité nettement inférieure, montrant très régulièrement leur age mais restant toujours audibles et ne perturbant jamais le plaisir du visionnage.
Les sous-titres sont disponibles en Anglais, Français et Espagnol sur les trois films.
Même si le résultat est moins spectaculaire que pour limage, le travail de restauration entrepris par la Warner est de bonne facture. Nous ne pouvons quinciter la Warner a appliquer le même traitement à tous ses grands classiques !!
Suppléments/menus
Un ensemble complet et très intéressant qui achève de faire de cette édition un indispensable.
Sur le premier disque sont offerts un commentaire audio, et lensemble de segments intitulés Warner Night at the movies 1941.
Le commentaire audio de Eric Lax est résolument passionnant, érudit et sans aucune pauses (ou presque). Le biographe connaît son sujet par cur et à tendance à plus offrir des informations sur le casting quune « analyse » de luvre même si lorsquil sy prête il y est brillant. Ce commentaire est donc un véritable mine dinformations en tous genres, agréable à écouter mais manque quelque peut de regard critique à notre gout.
Après cela le traditionnel Warner night at the movies offre lensemble de courts segments suivant : une bande-annonce de Sergeant York, une bande de news dépoque, un court métrage musicale « The gay parisian » (20 mins), et deux dessins animés « Hiawattas rabbit hunt » et « Meet John Doughboy » .
Puis est offerte une bande-annonce de The Maltese Falcon de bonne qualité qui présente le film de façon avantageuse.
Sur le second disque sont proposés la version de 1931 de « The Maltese Falcon » réalisée par Roy Del Ruth (avec Ricardo Cortez et Bébé Daniels) ainsi que la version de 1936 intitulée « Satan met a lady » de William Detierle (avec Bette Davis et Warren William) dont nous avons déjà parlé dans la partie synopsis comme les parties techniques.
Est également disponible la bande-annonce de Satan met a lady.
Sur le troisième disque sont rassemblés un documentaire, un ensemble de bandes-annonces de films avec Humphrey Bogart, des scénes ratés de films de 1941, des essais de maquillage ainsi que trois version radiophonique de The maltese falcon.
Le nouveau documentaire intitulé « The maltese falcon : one magnifiscent bird » (32 minutes) est passionnant même si trop court et manquant dune analyse stylistique ainsi que des répercussions du film sur lensemble du cinéma américain plus poussée. Les divers intervenants sont tous visiblement fascinés par le film et en font un portrait des plus flatteurs qui frole parfois la dythirambe aveugle (même si le film mérite tous les superlatifs). Un segment de qualité qui aurait mérité une durée bien plus longue de façon à pouvoir approfondir tous les points abordés.
Vient ensuite un ensemble de bandes-annonces de films avec Humphrey Bogart (une douzaine environ) commentées intelligemment par Robert Osbourne qui sappuie sur elles pour faire une portrait de lévolution de la carrière de Bogart durant 45 mins. Il est juste dommage que ce segment ne couvre pas lintégralité de la carrière de lacteur.
Puis un curieux segment de 13 minutes rassemble des prises ratées de divers films de 1941 et si lensemble est amusant, on est en droit de se demander la raison de sa présence sur cette édition.
Son également proposées trois différentes adaptations radiophoniques de The maltese falcon, deux avec lintégralité des acteurs du film et la troisième avec Edward G Robinson dans le rôle de Sam Spade.
Pour finir de façon anecdotique sont montrés trois essais de maquillage de Mary Astor qui durent au total une minute et sans bande-son.
Voici donc un ensemble très complet qui aurait cependant gagné à être plus développé au niveau du documentaire et de lapport specifique de John Huston à la réussite magistrale quest le film. Laddition des deux autres versions du film est un plus indéniable qui permet dencore rehausser la réussite de Huston mais aussi de comparer efficacement différents traitements
Conclusion
Une édition aux qualités audio et vidéo époustouflantes qui sont complétées par dintéressants suppléments ainsi que deux précédentes adaptations cinématographiques du même roman. Nous ne pouvons que vivement recommander lachat de cette édition a tous les amoureux du film Noir et de Bogart qui trouverons la sans conteste lédition de référence dun film de légende.
The Maltese Falcon est clairement un joyau du cinéma américain ainsi quune pierre angulaire de son évolution. Les années qui passent ne rendent luvre que meilleure et plus fascinante tant est elle à été maintes fois copiée mais rarement égalée et surtout font ressortir son éclatante modernité ainsi que sa capacité rare à mêler mécanique de narration parfaitement huilée et étude de caractère passionnante et complexe. Une uvre indispensable à toute personne sintéressant de prés ou de loin au cinéma tant elle en est un vrai joyau que rien nillustre mieux que la phrase finale de Bogart (restée si célèbre à juste titre) : « This is the stuff that dreams are made of ». Ce n'est pas pour rien si on appelle aussi communément le 7éme art, "l'usine à rèves" !!
Qualité vidéo:
4,5/5
Qualité audio:
4,0/5
Suppléments:
4,2/5
Rapport qualité/prix:
4,3/5
Note finale:
4,4/5
Auteur: Stefan Rousseau
Date de publication: 2007-01-22
Système utilisé pour cette critique: Projecteur Sharp XV Z9000, Lecteur de DVD Toshiba SD500, Recepteur Denon, Enceintes Triangle, Câbles Banbridge et Real Cable.
Date de publication: 2007-01-22
Système utilisé pour cette critique: Projecteur Sharp XV Z9000, Lecteur de DVD Toshiba SD500, Recepteur Denon, Enceintes Triangle, Câbles Banbridge et Real Cable.